mots x charlotte donegan
images x michael dawson, anupam singh & matt illing

En tant que métropole internationale, Auckland a toujours été un peu comme le petit frère qui veut toujours faire comme ses grands frères. La ville manque un peu de ce côté un peu sauvage et rude qu’on retrouve dans ces autres grandes villes. Cette espèce de je-ne-sais-quoi qui fait que ces villes comme New York, Londres ou Paris nous envoutent de leurs charmes, malgré l’odeur d’ordures marinées qui y règne l’été, leurs rues qui fourmillent de criminels, et la merde de chien parsemée sur le pavé.

photo x anupam singh

Mais, plus récemment, Auckland a su trouver ses appuis. Elle n’est plus cette petite ville qui essaie, mais plutôt cette cité remplie de potentiel. Ces jours où la rue principale qui parcourt le centre était le happening urbain sont maintenant révolus; la ville étendue arbore maintenant, à l’image des grandes métropoles, tous ces petits recoins qui valent la peine d’être explorés, offrant chacun leur propre personnalité et communauté. La ville commence aussi à montrer des signes d’insomnie, tout en offrant toujours un sentiment de sécurité aux coureurs nocturnes, ce qui ne peut qu’être lié au fait que nous ne sommes qu’un petit pays de l’autre côté du monde.

Pour le co-fondateur du Race09 et fervent coureur, Dan Donegan, il y a toujours eu cet espoir qu’Auckland atteigne un jour ce stade.

« J’ai passé cinq ans à New York et au New Jersey à travailler, tout en me permettant d’aller visiter d’autres grandes villes autour du monde. C’était toujours bien de revenir à la maison, à Auckland, mais on s’y sentait un peu renfermé. Récemment, par contre, tout a pris de l’expansion. Mais il y a une certaine authenticité qui demeure. En tant que coureurs, en se déplaçant à la course, nous en sommes témoins de premier plan. »

photo par michael dawson.

Avec la ville qui gagne maintenant ses galons, Donegan et son co-fondateur Michael Dawson sentaient qu’il était temps d’offrir à Auckland une course qui allait bien complémenter sa réalité en pleine évolution.

« Avant que Race09 n’entre en scène, la ville souffrait d’un réel manque d’événements destinés aux coureurs plus déterminés et aventureux. Ces gens qui aiment simplement courir, sans réellement se soucier de ce dont ils ont l’air quand ils le font. Pendant un bon six mois, Michael et moi avons discuté de plusieurs idées et concepts sur ce que cette course pourrait être, comment ça fonctionnerait, le genre de coureurs que nous aimerions y voir, etc. Nous avons finalement déterminé le format de la Race09, mais nous n’avions vraiment aucune idée à savoir si ça fonctionnerait, ou si les gens aimeraient. »

photo par michael dawson.

Les deux co-fondateurs se sont alors lancés dans l’organisation d’un événement centré sur Auckland. De son nom (le 09 est le code régional pour Auckland) jusqu’à la bière 09 servie après chaque événement dans une brasserie bien locale, la Hallertau, le tout est un peu comme une romance avec la ville qui leur apporte cette fierté profonde.

Que ce soit en passant sous le Auckland Harbour Bridge, ou en se rendant au sommet de l’un des cônes volcaniques qui ceinturent la ville, ou en passant devant le Auckland War Memorial Museum pour se rendre au village de la America’s Cup, chacune des étapes de la Race09 permet aux coureurs de vivre la ville et d’en voir les endroits les plus typiques et pittoresques. Comme le dit Dawson, les panoramas et les opportunités photos ne font de mal à personne.

photo par michael dawson

« Entre la nature brute et crue de la course, le décor unique du 09 et l’atmosphère d’inconnu des événements, on a droit à des images vraiment intéressantes et dynamiques qui sont un réel plaisir à immortaliser » confie Dawson.

Il n’y a pas deux courses de la Race09 qui sont pareilles, la ligne de départ changeant à chaque fois et les coureurs n’apprenant leur épreuve qu’une demi-heure à l’avance. Il n’y a pas non plus de trajet défini.

photo par michael dawson.

Pour un participant aguerri, Michael Amies, c’est cet ensemble d’inconnus qui le pousse à revenir à chaque fois.

« Je ne suis pas le coureur le plus rapide ici, et je ne le serai jamais, mais c’est toujours une sacrée course du départ à la fin – de descendre des rues en trombe, de mettre son trajet improvisé à l’épreuve contre celui des autres. Chaque course est différente, c’est toujours un nouveau défi, de nouvelles personnes, mais toujours sans règles et c’est pour ça que je reviens à chaque fois. »

Le fait de ne pas avoir de règles, ça veut dire que ces événements ne sont pas pour les âmes sensibles. Il ne faut pas s’attendre à des routes fermées, des cônes de circulation ou des guides pour indiquer le trajet. En fait, à chaque début de course Donegan s’assure de bien spécifier que tout participant agit à ses propres risques. Jusqu’à maintenant, il n’y a eu que quelques ecchymoses et blessures mineures, ainsi qu’un doigt sérieusement disloqué. Mais à quoi peut-on s’attendre d’une course lors de laquelle les compétiteurs devaient grimper des buttes volcaniques?

photo par michael dawson.

Pour Skye Dick, qui a élu domicile à Auckland après avoir quitté son Écosse natale il y a un an, la Race09 offre quelque chose de vraiment différent des sorties de 5km amicales auxquelles elle participait religieusement auparavant.

« Lors d’une sortie de course organisée par un pub du coin, j’ai entendu quelques gars parler de la Race09, disant que c’était une course foutrement rapide. Étant nouvelle en ville, je leur ai demandé ce que c’était, et on m’a redirigé vers la page Instagram. J’ai participé à la course suivante, et après ce qui a dû être mon 8k le plus rapide à travers la ville, je suis tout de suite devenue accroc. »

photo par matt illing

Logan Griffin, qui a participé à des courses de vélo compétitives pendant près d’une décennie, évitait la course comme la peste et ce depuis l’école secondaire. Mais après quelques bières et un pari entre amis, il s’est retrouvé à s’inscrire à un marathon.

« La course allait être un changement radical de direction. Avec quelques sorties dans les jambes, un ami m’a envoyé un lien vers des photos de la première Race09 sur Instagram, et, instantanément, j’ai su que c’était quelque chose auquel je voulais participer. »

photo par michael dawson.

Bien qu’il y ait certainement un côté compétitif qui ramène les gens à chaque course, la Race09 offre aussi aux coureurs de Auckland l’opportunité de rencontrer d’autres coureurs aussi fous qu’eux et de partager des bières ensemble une fois passée la ligne d’arrivée.

« Nous avons toujours espéré pouvoir regrouper un bon groupe de gens avec la Race09, et je crois que le format s’y prête vraiment bien, » confie Donegan.

 « Les gens sont souvent très nerveux avant de participer à la Race09, et ce pour plusieurs raisons – on ne sait pas où on va courir ou qui participera, on se soucie de prendre un mauvais tournant ou d’opter pour un mauvais trajet, tout en sachant que personne ne va vraiment se la couler douce non plus. Ensuite, on participe à la course, et à la fin, on finit par partager ce sentiment de soulagement et d’euphorie commun, peu importe le résultat de la course, car au final, tout le monde est passé par la même épreuve. »

photo par michael dawson.

« Il y a définitivement une sorte de camaraderie qui se créé quand on se fait tous lessiver » dit Donegan.

« La Race09 est pour moi un équilibre parfait entre compétition, communauté et bières. Pour moi, il n’y a vraiment rien de mieux que de courser vraiment intensément, pour après en rire autour d’une bière. À travers les courses auxquelles j’ai participé ou assisté, je me suis fait de très bons amis, et c’était pour moi l’entrée du terrier vers le monde de la course à pied, mais aussi vers de nouvelles amitiés, » confie Griffin.

photo par michael dawson.

Pour des coureurs comme Warrick Wood et Annabelle Bramwell, l’attrait de ces événements était instantané, mais ce sont les gens qui les gardent intéressés.

« Dès que j’ai appris l’existence de la Race09, je savais que je devais y participer – c’était quelque chose d’unique, d’excitant, et en plus, de nuit! Mais si je reviens toujours, c’est pour les gens que j’y ai rencontrés. J’ai couru la première fois, et je ne connaissais personne, mais l’atmosphère était électrisante et offrait un bon compromis entre courser et socialiser après. J’y ai rencontré des gens vraiment sympas avec qui je cours depuis, » dit Wood.

« La course, pour moi, c’est une question de communauté, mais aussi d’aventures et de défis personnels. Dan et Michael ont créé une communauté vraiment épique, qui, lors de la course, va tout donner pour se frayer un chemin à travers la ville, mais qui saura bien en rire après tout en appréciant la soirée avec une bière froide, » exprime Bramwell.

photo par michael dawson.

« Ce chaos plus ou moins autorisé qu’est la Race09, avec ses espaces limités et temporaires et ses incertitudes, ça fait en sorte qu’on ne veut jamais manquer une course. Ça permet de garder une bonne dose de folie, d’aventure, d’excitation dans le défi, et même si on y manque un tournant ou une course ou quoi que ce soit, le simple fait de participer, d’être là et de partager une bière après, c’est tout aussi plaisant. Ça revient à la communauté au final, et la Race09 a créé quelque chose qui nous pousse à toujours en redemander. »

Avec la saison 2020 maintenant derrière eux, Donegan et Dawson réfléchissent à ce de quoi aura l’air la saison 2021 de la Race09. Si on se fie à sa réputation, Il est fort prévisible qu’elle soit imprévisible. Mais il y aura tout de même une constante – Auckland.

photo par michael dawson.
photo par michael dawson