mots: romain bourven et secret race series
images: romain bourven

Les 5 et 6 Septembre dernier, suite à l’annulation de nombreuses courses en Europe, la célèbre course américaine The Speed Project, a créé une version digitale de sa compétition : TSP DIY. Dans son format originel, il s’agit de rallier Los Angeles et Las Vegas en relais avec pour seule règle : un membre de l’équipe doit courir en permanence. 

Cette année, conditions exceptionnelles obligent, les équipes devaient parcourir le plus de kilomètres possibles en 31h et 15minutes, record actuel de TSP. Pas de parcours imposé, chacun était libre de choisir son propre terrain de jeu à travers le monde. Le classement se faisait lui virtuellement à l’aide des données collectées sur les montres GPS. Au total, ce sont plus de 40 pays qui ont été représentés avec plus de 2000 coureurs. 

Parmis eux, un groupe de frenchies était alignés par le label parisien : Secret Race Series. Composé d’athlètes parisiens non professionnels, l’équipe avait un objectif clair : battre le record actuel de The Speed Project. 

Qui sont ils ? Ont ils réussi ? Réponse dans cette inteview :

Salut les gars, vous êtes les 2 fondateurs de Secret Race Series, un concept de courses « sauvages » sur Paris. Vous pouvez nous expliquer le concept en détail ?

MATHIEU : Secret Race Series est un label indépendant de courses à pied monté en 2018. Chaque course présente ses propres règles et le lieu de départ est chaque fois dévoilé 24h avant le départ. Organisées mensuellement, ces courses sont généralement sold-out en moins de 2h dans la mesure où les premiers arrivés sont les premiers servis. 

Comment vous est venue l’idée ?

MATHIEU : On a construit Secret Race Series sur la base d’un constat simple. C’est bien de faire des 10K, des semi et des marathons, mais une fois le défi relevé, sur la base d’un bon temps ou non, on s’ennuie relativement vite. Alors, inspirés de ce qui existait déjà dans le cyclisme (alleycat, critériums et autres formats sauvages), on a bossé sur les formats ludiques pour sortir de la routine des courses existantes.

D’où vient l’inspiration nécessaire pour chaque fois renouveler le concept ? 

JEAN : L’inspiration ne vient pas tout seule. Bien souvent nous nous retrouvons autour d’une ou plusieurs bières et nous échangeons sur ce qui nous fait ou nous a fait kiffer. De là on trouve un concept et on le pousse à son maximum pour voir s’il tient la route. Cela peut être une réussite comme parfois un loupé. Mais dans tous les cas on apprend !

Qu’est ce qui vous a motivé à relever le défi, et quelles ont été les principales difficultés ? 

MATHIEU : On a accepté de relever ce défi car on savait qu’on pouvait construire une équipe rapide qui pouvait gagner. En toute honnêteté, on aurait jamais accepté de faire cette course avec un groupe de luges à foin. Cela aurait été du suicide. Quitte à sortir avec des tendinites et autres blessures « d’usure », autant le faire avec un objectif de performance. 

Merci les gars ! Place aux athlètes. Voilà plus de 2 mois que vient de s’achever le speed Project DIY. Physiquement, mentalement … comment se sont passés les jours, semaines qui ont suivi ?

SAMANTHA: Sans grande surprise, les jours suivants étaient un peu compliqués physiquement : les jambes en béton, courbaturée de la tête aux pieds, impossible de retrouver une foulée normale. Mentalement/émotionnellement j’étais sur un nuage ; c’est une expérience tellement exceptionnelle qu’on a l’impression d’avoir vécu une sorte de transformation, d’avoir été transporté le temps de 31h. Dans les jours qui suivent on essaie de digérer l’expérience et d’y mettre des mots. Toujours aussi dans l’excitation de la course et dans l’attente des résultats, c’était difficile de concentrer sur autre chose.

ALICE : Physiquement la semaine qui a suivi a été compliquée, surtout pour les ischios : c’était des blocs, j’arrivais même plus à tendre les jambes. Avec Sam on est allé faire un footing le lendemain du TSP, on avait l’air de 2 mamies qui ne savaient pas courir. Par contre mentalement c’était autre chose: j’étais euphorique, je ne pensais qu’à ça, et je me refaisais la course dans ma tête à longueur de journée.

NICOLAS : Complètement déconnecté de la réalité, j’étais encore dans la course les jours qui ont suivi. Physiquement, il aura fallu 5 jours de repos complet avant de repartir à l’entraînement mais l’envie était décuplée. Le TSP a été un véritable catalyseur de motivation pour ma part ! 

DUNCAN : La semaine d’après je suis tombé malade, mais sévère, scotché au lit. Est-ce en partie du à la course ? Toujours dur à dire, mais ça m’a sûrement quand même affaibli.

GATIEN : Mentalement c’était un mix de beaucoup d’émotions, entre la fierté d’être allé au bout de ces 31h15 d’efforts non-stop, la joie d’avoir vécu une expérience de dingue, et la fatigue car on a quand même beaucoup couru et peu dormi ! Physiquement, brisé ! J’ai couru sur une jambe pendant une dizaine d’heures. Noé et Lauren (nos physios) ont fait des miracles. Il a fallu couper un moment pour que le corps se remette de cet effort assez extrême.

GHISLAIN : Jour 1 : je ne pouvais plus marcher, le verdict est tombé, j’avais un syndrome de l’essuie-glace à chaque genoux. j’ai remarché normalement 1 semaine bien tapée après la course.

Comment se prépare-t-on à cet effort si spécifique, et comment le gère-t-on ? 

SAMANTHA : Comme on nous avait annoncé notre participation juste 10 jours avant la course il n’y a pas eu de “prepa” spécifique, mais on était tous bien entraînés de l’année. La préparation était surtout au niveau de la stratégie et la logistique — choses que Jean, Gatien et Mathieu ont très bien gérées pour toute l’équipe. Il y a énormément d’éléments qui entrent en jeu dans un effort qui est aussi long avec autant de transitions. Il faut penser à la récupération, le sommeil, l’alimentation, les habits, les toilettes, et surtout comment gérer les passages de relais et les transitions sans perdre de temps. C’est une organisation monstrueuse. 

DUNCAN : J’avais déjà couru plus de 6000kil depuis janvier et pas à faible intensité. Donc j’étais plutôt prêt. J’appréhendais l’enchaînement avec une nuit blanche (au final ça allait). Niveau tactique je suis parti fort comme si je courrais un 3000m en me disant advienne que pourra. Vu qu’on se relayait souvent on pouvait pas mal récupérer. Le 2ème jour on a raccourci les temps d’effort et heureusement car ça commençait à être dur. Seule une vraie blessure pouvait m’arrêter.

Avec le recul, qu’est-ce que tu garderais / qu’est-ce que tu changerais ?

ALICE : Je garderais beaucoup de choses, perso j’ai manqué de rien il y avait tout, que ce soit au niveau de la bouffe ou du « confort ». Je changerais peut-être juste la stratégie du dimanche matin, je pense qu’on était tous morts et on aurait peut-être du repasser directement à 3 (2 vélos, 1 coureur) au lieu de rester à 2 (1 vélo, 1 coureur).

NICOLAS : On peut toujours modifier quelques éléments de stratégie comme utiliser un peu moins les vélos, tourner à 6 plus tôt mais est-on vraiment sûr que le résultat aurait été meilleur ? Comme je n’en suis pas convaincu, je ne changerai rien à cette aventure hors-norme et j’ai zéro regret même avec ce résultat tardif. 

GATIEN : Je garderais tout ! La beauté de cette version DIY c’était de pouvoir courir cette course dans notre environnement. Il se trouve qu’on était à Paris. On a donc décidé de vivre une vraie expérience de course à Paris. Avec ses avantages et ses défauts. Le plan était de rester un maximum dans Vincennes pour la sécurité des coureurs, et de faire des excursions dans Paris durant la nuit.

Avant TSP, quelle était pour toi l’épreuve ou le défi le plus éprouvant auquel tu avais participé ? 

SAMANTHA : TSP 2019 ! J’avais participé à l’édition 5.0 l’année dernière avec une équipe globale montée par adidas. On a parcouru les 550 km de LA jusqu’à Las Vegas en 34h, finissant deuxième équipe mais avec le record officiel du parcours original. C’était de loin une des meilleures expériences de ma vie, tout en étant une des plus éprouvantes physiquement.

ALICE : Le GR20 en 5jours, mes jambes s’en souviennent encore d’ailleurs

NICOLAS : La vraie version du TSP est t-elle plus difficile que la virtuelle ? Pas sûr du tout!

DUNCAN : J’avais fait Grenoble Marseille à Vélo (280kil) dans la journée avec un vieux vélo un gros sac sur le dos et après une nuit blanche en revenant des US. Je m’endormais en avançant c’était affreux.

GATIEN : Plus que des défis, c’est plus des expériences où j’ai pu repousser mes limites. Comme cette hypoglycémie sur les pistes de ski de fond du Vercors avec mon frangin. Ça caillait, il neigeait, je voyais noir. Je me suis réveillé dans un refuge sous une couette bien chaude.

GHISLAIN : Certainement 4 semaines dans les Pyrénées entre la période 2006-2010 en vacances avec mes parents. Des randonnées de 10h, la grêle, les refuges …

Peux tu me dire les choses que tu as le plus aimé durant cette épreuve ?

NICOLAS : 1/ L’esprit d’équipe et l’entraide avec une équipe et un staff où les gens ne se connaissaient pas 2 jours plus tôt! 2/ L’ambiance de fin de course avec les supporters et tout le monde qui donnait son maximum pour gratter quelques kilomètres en plus! Sur le coup, j’avais l’impression qu’on pouvait se relayer encore 5h au même rythme, l’allure ne faiblissait jamais, les endorphines étaient plus fortes que tout! 3/ Le Run and Bike nocturne avec Paris vide en terrain de jeu idéal

GATIEN : L’énergie que l’équipe a dégagé tout au long du weekend. C’était assez incroyable de réunir ce groupe d’athlètes et de personnes autour d’une course en dehors de tout calendrier sportif, et se dépouiller avec comme seule carotte le fait d’être heureux ! Et les 1h30 passées avec Ghislain, mon p’tit frère dans Paris. C’était un peu un rêve de faire ça ensemble. Bizarre qu’on ait jamais eu cette idée de partir à 3h du mat faire un run dans un Paris quasi désert. Il nous fallait peut être juste une raison. C’était vraiment chouette !

Le reveal du classement a été long et compliqué, comment as-tu vécu l’attente, puis finalement cette deuxième place derrière Tracksmith ?

ALICE : Oui c’était super long, je faisais que d’actualiser leur page insta pour voir s’ils donnaient des nouvelles. Au moment de l’annonce forcèment beaucoup de déception surtout qu’on y a vraiment tous cru, et ca donner le sentiment d’inachevé. Mais avec le recul c’est pas du tout la 2ème place que je retiens, mais juste les moments et émotions incroyables qu’on a vécu durant ces 31h15. Ce n’est que partie remise 😉

NICOLAS : Impatient bien sûr mais on avait déjà fêté la victoire à 20h15 le dimanche soir! Le reste, c’est du détail d’ordre technologique avec l’incertitude des GPS, les bug de Strava! Au final, TrackSmith a peut être fait un peu plus de kilomètres, bravo à eux! Mais 2 mois plus tard, ça change pas fondamentalement l’aventure vécue!

DUNCAN : La seconde place a été dure à accepter: d’une je suis mauvais perdant et de 2 j’ai été un peu présomptueux en annonçant à tout le monde qu’on avait gagné (donc légèrement la honte…)

Si c’était à refaire tu signerais ?

SAMANTHA : Les yeux fermés 🙂

ALICE : Les yeux fermés : oui !

NICOLAS : Jamais 2 sans 3, le TSP, c’est impossible à refuser, j’ai bien compris! Et puis, j’en suis à 1/1 avec les TrackSmith donc on va pas en rester là?

DUNCAN : Je crois que c’était ma plus belle expérience sportive alors sans hésiter demain je re-signe.

GATIEN : Pour un duel avec Tracksmith entre LA et Las Vegas, c’est sans hésitation. Ce n’est que le début d’une long histoire !

GHISLAIN : direct

Quels sont tes prochains défis ?

SAMANTHA : Preneuse de toute idée de challenge pour pimenter cette longue période sans course !

ALICE : Compliqué à dire avec le confinement, mais l’idée est de rester sur la route pour faire descendre les chronos sur 10km et semi.

NICOLAS : Je devais m’envoler en cette fin de semaine pour le Népal afin de participer au Tour des Annapurnas, une course en 10 étapes à haute altitude. Reportée en 2021, aura t-on retrouvé notre liberté de déplacement d’ici là? Si ce n’est pas le cas, ça sera le 10km de Corbeil-Essonne, tout aussi beau et excitant !

DUNCAN : Vu le peu de visibilité sur les compet’ je ne peux pas trop avoir d’objectifs. Mais déjà si j’arrive à faire un 10kil en 28’30 à la montre de mon côté avant 2021 je serais content.

GATIEN : Le marathon des Buttes Chaumont en 2021

GHISLAIN : une lutte dantesque avec moi même à 1km de chez moi.