through movement and action feature

par le mouvement et l’action

par le mouvement et l’action
photos x giacomo ferron
illustrations x melanie garcia
histoire: lecia mancini et alex quenneville



L’année a été difficile pour plusieurs, et les nouvelles s’en sont mises au diapason. Alors que la situation a permis à certaines personnes de passer du temps à la maison, et apprécier du temps en famille, pour d’autres, l’année a été un réel cauchemar.
l’horrible réalité est que pour plusieurs femmes, le confinement signifiait qu’elles seraient enfermées – voir littéralement emprisonnées – avec leur tortionnaire, sans aucune porte de sortie.
Le Québec en général ne l’a pas eu facile. Du confinement au couvre-feu, et aux taux d’infection à la COVID-19 plutôt élevés, tous se sont senti.e.s emprisonné.e.s quelque part. Le monde s’est complètement retourné face aux injustices qui sont remontées à la surface cette année, surtout celles de nature domestique. Certains des mouvements qui en sont ressortis ont été (heureusement) couverts par les médias, mais les atrocités continuaient derrière les portes closes.

Alexandra a été la première à recevoir les notifications sur son téléphone. Le Québec venait de perdre une autre femme dans un cas avéré de féminicide, le dixième de l’année. Engourdie, paralysée, stupéfaite, mais impuissante et furieuse. Pourquoi est-ce que ça arrivait, comme ça? Quand elle a eu la nouvelle de cette récente tragédie, elle a voulu crier, mais plus que tout, elle voulait faire quelque chose. Et quand le reste d’entre nous avons entendu la nouvelle, nous étions tous d’accord sur le fait qu’il fallait faire quelque chose pour aider ces femmes qui étaient affectée par la violence domestique.
alex, comme beaucoup d’autres personnes, utilise la course pour gérer ses émotions.
Par la douleur, la joie et la colère, elle est sortie courir cette soirée-là. Elle est allée rejoindre le crew, le PREfontaine Run Squad, au parc Lalancette, à Montréal, et nous a présenté un plan d’action. Nous nous sommes mis.e.s d’accord sur un plan – « choisissez votre propre aventure », avec les distances totales allant jusqu’au marathon (42km) pour amasser des fonds pour La Dauphinelle, un refuge pour femmes et enfants victimes de violence domestique.

La mission de La Dauphinelle est d’offrir un refuge et de la sécurité aux femmes victimes d’abus domestiques, ou autrement en difficultés, ainsi qu’à leurs enfants. On y offre aussi des services de support psychosocial professionnel afin de les aider à reprendre le contrôle de leur vie, se remettre sur pieds, et réaliser leur plein potentiel.

À ce moment, après plusieurs mois de pandémie, tout le monde était excité à l’idée de se remettre à arpenter le pavé et participer à une course. Même si la course et le sport en général n’étaient pas « annulés », il y avait quelque chose de spécial à avoir un objectif qui rallumait la flamme (à nos fesses!) pour que nous nous remettions à l’entrainement pour faire ce défi. En plus, nous savions que le crew serait l’équipe parfaite pour porter à fruits cette initiative.
pour notre propre santé mentale, nous avions besoin du mouvement et de la communauté plus que jamais. cet événement nous rapprocherait encore plus.
Alex a eu l’idée, et lui a donné la première impulsion, Vero était en charge des médias sociaux et j’étais responsable de communiquer avec des marques locales pour des partenariats. Le crew s’est évidemment instantanément rallié à la cause, et s’est mis à amasser des fonds. Histoire de rendre le tout plus interactif et y ajouter un élément plus ludique, nous encouragions les gens à « parier » sur les coureu.ses.rs de leur choix. Pour ma part, j’ai mis le « pari » à deux dollars du kilomètre. Plusieurs des dons étaient arrondis, alors j’ai pensé qu’il serait honnête que moi aussi j’arrondisse ma distance totale, à 50km.

Nous avons été chanceu.ses.x d’avoir un support vraiment inouï de marques qui ont voulu commanditer l’événement avec plusieurs prix, et ainsi de donner un petit peu plus de motivation à nos coureurs. Lululemon a offert deux ensembles à deux donateurs généreux qui ont donné plus de 150$, Ciele a offert des casquettes aux trois coureurs qui amassaient le plus de fonds, Robin des Bas a offert des bas, Saucony des ensembles cadeaux, Naak s’est occupé de maintenir nos niveaux d’énergie lors de l’événement, et Balmoral a offert des vêtements sportifs vraiment super. En plus, l’une de nos coureuses, Hann Simard, qui est une artiste plutôt douée, a accepté de mettre l’une de ses magnifiques illustrations de femmes à l’encan pour bonifier notre collecte de fonds. D’avoir tous ces généreux commanditaires qui se sont ralliés pour la cause, c’était vraiment touchant.
Pour le parcours, notre choix s’est porté sur le Mont-Royal. C’est une petite montagne, et une oasis culturelle au cœur de Montréal, et le défi semblait à point pour honorer ces femmes qui font face à des défis de taille à chaque jour, mais dans un endroit où les montréalais se rassemblent. Le plan était de courir le chemin principal de la montagne jusqu’à quatre fois, avec une petite boucle en extra au sommet. Heureusement, je n’étais pas la seule coureuse à devoir faire la plus longue distance, alors au moins, j’ai pu avoir de la compagnie pour les… cinq heures du défi!

J’étais nerveuse, et ce même si l’événement n’était pas une course « traditionnelle ». J’ai pris une pause pour me laisser le temps de vraiment penser à ce que cet événement signifiait, pour moi, mais aussi pour celles et ceux qui souffrent de la violence domestique. Je me suis recentrée, et je me suis préparée. Ce n’était pas une sortie pour me pousser par-delà mes limites, ou pour atteindre un nouveau record personnel. Cette journée, c’était en l’honneur de ces femmes et de ces enfants qui font face à des peines et des douleurs de toutes sortes au quotidien. (Quoique je dois aussi reconnaître et féliciter ces coureu.ses.rs qui ont atteint.e.s la plus longue distance qu’iels n’aient jamais fait lors de cet événement!)
par le mouvement et l’action, nous pouvons conscientiser et donner de la visibilité à ceux dont la voix est étouffée, et qui ont parfois besoin d’un petit coup de main pour se remettre sur pieds.
D’organiser l’événement en pleine Fête des mères était intentionnel. Bien que cette journée porte parfois son lot d’émotions, elle reste un fort témoignage à la force de ces femmes qui nous entourent. Peu importe notre relation avec notre mère maternelle, nous sommes toujours entouré.e.s de figures féminines qui ont eues un impact sur nos vie, et ont fait de nous qui nous sommes.

Au final, notre petit (mais imposant!) crew a pu amasser une somme totale de $13,446 pour le refuge de La Dauphinelle. Est-ce que nous en feront un événement annuel? Peut-être que oui, ou non, mais ça n’enlève en rien que nous nous enflammons face aux injustices sociales. Nous ne voulons pas qu’un tel événement de course devienne une sorte de routine, ou une habitude juste parce que. Il en perdrait tout son sens. Nous allons donc continuer à nous mouvoir ainsi au rythme de ce qui nous attise.
à propos de l'auteur.e
kelty campbell
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