harricana 125km en fastpack

harricana 125km en fastpack
Tout a commencé après une sortie Trail de 20 km au Mont Saint Hilaire. C’était la première fois que nous nous rencontrions et courions tous les 4. Après l’effort, le réconfort, donc nous sommes allés prendre une bière dans un pub, en face du Mont St Hilaire. De là, nous avons réalisé que nous avions beaucoup en commun, mais surtout la frustration de ne pas pouvoir faire de course à cause de la pandémie. Du haut de ma petite expérience en Trail et de ma grande insouciance, j’ai lancé que mon rêve serait d’aller courir dans les montagnes, de camper une nuit en pleine nature et repartir le lendemain. “Qu’est-ce que je n’ai pas dit là ?” Ils m’ont tous dit qu’ils rêvaient aussi de réaliser ce type d’aventure, en autosuffisance. Ni une ni deux, les agendas étaient ouverts et la date était choisie. Le départ était fixé dans 1 mois.

Il faut savoir que j’étais déjà bien impressionné par Jamie, Michael et Julien qui ont déjà une grande expérience des longues distances alors que je débute tout juste dans le monde du Trail. Alors de l’ultra trail, je n’étais pas prêt ! Pour être honnête, eux non plus. Il faut dire que le fastpack est une discipline très différente de la course à pied régulière. Il faut porter tout son matériel de camping et toute sa nourriture sur le dos. Ce n’est pas une discipline très courante dans le monde de la course donc nous ne trouvons pas beaucoup de feedback sur le sujet et encore moins de cartes. De plus, cela demande énormément de préparation physique, du matériel et de la nourriture, car nous partions en totale autosuffisance. Ne pensez pas, comme Julien, que la nature vous fournira tout ce dont vous avez besoin 🙂 . L’unique chose que la nature vous donne, est l’eau des rivières ou des lacs, que tu rends potable grâce à un filtre d’eau ou des pilules.

Finalement, après de nombreuses recherches, nous avons décidé d’emprunter les sentiers du 125 KM de l’Harricana et de la faire en 3 jours, avec un dénivelé de 4220 m D+. Le départ se faisait le 19 août et l’arrivée le 21 août 2020. Étant dans la région des loups, nous nous voyons comme une meute, qui reste soudée et qui avance ensemble. Donc nous avons appelé notre aventure : « Harricana Trail Wolves Pack Adventure » – #HTWPA2020
Quelques mots sur les membres de la meute et nos motivations :

Jamie et Michael sont en couple, ils courent toujours ensemble. Ils ont déjà fait de nombreuses courses d’ultra trail comme la course Squamish 50, Gaspesia 100, Haliburton Forest Trail Race et la course l’ Ultra Trail du Bout du Monde. Ce sont de grands passionnés ! Jamie a d’ailleurs pris le lead comme « cartographe », une responsabilité très importante, car le trail de l’Harricana est balisé pour la course officielle, mais il ne l’est pas le reste de l’année. Il faut donc suivre deux sentiers balisés et ne pas se tromper.
Julien est papa de 2 filles et c’est un ultra trailer, il a fait le 128 km de de la TransGranCanaria en 24h (sans dormir) et d’autres courses comme le SantéLyon, 69 km du Trail du Grand Duc, 40 km MEC à Mont Tremblant… Autant dire que c’est une machine.

Pour ma part, je suis James, un marathonien habitué à l’asphalte mais depuis que je suis arrivé sur Montréal, je me suis mis au trail. J’étais quand même stressé de savoir qu’il faudrait courir sur 3 jours, du matin au soir. Le plus long que j’ai couru était 3h50 (mon premier marathon) donc l’idée de courir plus me paraissait insurmontable. Mais j’avais l’expérience de mes 3 coéquipiers (wolves).

La préparation

Une semaine avant le départ, nous avons fait une sortie tous ensemble avec tout notre matériel afin de tester notre sac, sa tenue sur le dos et son poids. C’était la dernière chance pour nous de faire un tour sur ce dont nous avions besoin et aussi d’éviter trop de doublons inutiles en matériel. Encore une fois, nous sommes une équipe, une « meute de loups », donc nous avons essayé de répartir les poids et de partager le matériel, par exemple nous avions une tente pour deux, un réchaud et 2 filtres à eau pour 4… Lors de cette sortie préparatoire, nous nous sommes très vite rendu compte de l’importance du poids du sac, à porter pendant 3 jours. À titre d’exemple, voici la répartition du poids par personne :

– Sac de Jamie = 5 kilogrammes (11 pounds)
– Sac de Michael = 8,5 kilogrammes (19 pounds)
– Sac de Julien = 7 kilogrammes (15 pounds)
– Sac de James = 7.5 kilogrammes (15 pounds)

NOTE : Pour le matériel, tu trouveras une liste afin de préparer ton prochain fastpack, à la fin de l’article. (ceci est propre à notre aventure et à nos besoins).

Afin de se rajouter du poids et un challenge, nous avons décidé de ramasser tous les déchets trouvés sur les sentiers et de les porter avec nous jusqu’à l’arrivée. Ce mouvement se nomme le plogging et consiste à sensibiliser les runners/marcheurs sur les déchets jetés dans la nature. Sachant que lors de toutes courses et même randonnées, il est primordial de ne laisser aucune trace afin de préserver la nature et l’environnement des animaux.
premier jour – 19 août 2020
Après une première nuit sous la pluie, le réveil à 5h30 est difficile pour tout le monde. Nous sentons l’excitation et l’appréhension. De plus, nous sommes un peu désorganisés, le rangement du camp et la préparation sont longs. Mais une fois arrivé à la Zec des Martres, où on laissera la voiture, nous pouvons voir que tout le monde est super excité, nous y sommes enfin après 1 mois de préparation et d’attente. À seulement 1 km du départ, le mollet déjà sensible de Julien avant l’aventure, lui fait vraiment mal et il s’arrête car la douleur est trop aiguë. Il se demande sérieusement s’il doit abandonner. Un gros doute se ressent dans le groupe, tout le monde se pose des questions car il reste 124 km ! « Va-t-il y arriver ? », « C’est un projet à 4, ce n’est pas possible qu’il s’arrête », « Comment on va faire ? Comment répartir le poids et le matériel que Julien porte ? ». Puis Michael s’est souvenu que les 15 premiers kilomètres faisaient une loop, donc on irait tous ensemble au rythme de Julien et s’il ne le sentait pas à la fin de la loop, il retournerait à la voiture. Au-delà de ça, un autre gros doute s’installe, il faut savoir qu’il n’y a aucun réseau là-haut, nous sommes complètement coupés du monde extérieur et livrés à nous- même.
Une fois arrivés en haut des premiers sommets, le Mont du Lac à l’empêche et le Mont Du Four, le spectacle est à couper le souffle, nous réalisons enfin où nous sommes et la chance que nous avons. Le paysage est vraiment incroyable, mais le chrono tourne et nous avons encore beaucoup de kilomètres à réaliser avant la tombée de la nuit.
Tout va super bien mais nous ne sommes pas prêts pour ce qui nous attend au kilomètre 28, le Mont Morios. La plus haute ascension de notre aventure à 900 m d’altitude sur 5KM, c’était vraiment raide. Cette montée s’est avérée la plus difficile pour nous tous, le sac se faisant de plus en plus lourd. Mais une fois encore, la vue au sommet est incroyable et ça vaut le coup ! Malheureusement, Michael a eu un gros down lors de son ascension. Le manque de nourriture lui a causé un blackout. Il continue à avancer mais ne réalise pas ce que nous vivons. Jusqu’à ce que je lui donne une barre riche en lipide et glucide, ce qui l’a réveillé et heureusement car la descente qui nous attend est très technique avec de nombreuses cordes. Faites vraiment attention à bien vous alimenter lors d’une telle expérience, le corps est fortement sollicité et a besoin de beaucoup de nutriments. Pour nous, c’est une barre de glucide toutes les heures.

Une fois descendu, il nous reste quelques kilomètres jusqu’à notre camp. Nous en profitons pour ramasser du bois sur le chemin (ça rajoute du poids mais c’est nécessaire pour le feu, pour nous réchauffer en vue d’une nuit froide et pour sécher nos vêtements).

La journée se termine avec 38 km après 10 heures de course, au lieu de 52 KM. Avec le poids supplémentaire de nos sacs à dos, nous avons sous-estimé le temps qu’il nous faudrait pour courir par rapport à notre rythme normal sur les sentiers. Nous avons décidé de nous installer à la station marmotte. Il y a un lac et beaucoup de bois pour faire un feu, en plus il y a un bel endroit pour installer notre tente. Nous nous sommes installés et nous avons allumé le feu. Rien de mieux qu’un bon bain dans le lac pour se laver (rapide car il fait vite frais) puis de s’installer près du feu de camp à manger, sécher nos affaires et nous remémorer cette journée incroyable. L’aventure venait de commencer !

Il est important de préparer et d’anticiper son parcours mais surtout de s’adapter au groupe et à la difficulté du parcours. Nous avions sous-estimé les premières ascensions.
deuxième jour – 20 août 2020
Après une très courte nuit mais surtout très froide, 6 degrés, nous nous sommes levés avec pour objectif de faire 40 km afin de récupérer notre retard. Nous repartons sans avoir mal aux jambes et avec une belle motivation. Heureusement car nous savons qu’une longue journée nous attend. Nous arrivons au premier sommet, celui du Mont des marmottes qui culmine à 800 m d’altitude et nous offre un magnifique point de vue sur le Saint Laurent. Ajouté à ça, nous pouvons nous gâter sur le sentier avec des bleuets sauvages. Ce qui fait le bonheur de Michael et moi-même !

Au bout de 22 km nous nous arrêtons pour le lunch et pour plonger nos jambes dans un lac, car la matinée a été très chaude et les jambes tirent. De nouveau en route, en direction de la SEPAQ, nous passons sous les lignes à haute tension et nous nous arrêtons à la boutique pour un ravito « 4 étoiles » avec chips et boisson énergisante. La meute est galvanisée pour une longue route plate et exposée en plein soleil de 7k, avant de rejoindre les sous-bois et une montée de 12 km. Le camp est prévu au sommet où prônent deux lacs. Après une montée interminable, nous arrivons au 46 KM de la journée. Toute la gang me félicite car je deviens un ultra-marathonien, mais j’ai aucune énergie et envie de célébrer ça, à ce moment précis. Je n’avais jamais ressenti cela auparavant. Dans ma tête, je me disais avance, avance, avance… Nous n’avons pas le choix, il faut arriver au camp, si tu arrêtes maintenant tu mets la team en “danger” et tu ne pourras plus avancer. Mais une fois arrivés au spot pour installer le camp nous nous rendons compte qu’il n’est pas idéal donc nous décidons de courir, encore, vers le prochain lac. En effet, le plus important c’est l’eau du lac auquel nous n’avons pas accès pour remplir nos flasks et manger.
Nous arrivons à 50 KM, la nuit tombe et nous nous rendons compte, à nouveau, que le deuxième lac n’offre aucun spot pour camper. Pas le choix, nous faisons une réunion rapide d’équipe, le temps est compté et nous décidons de pousser sur le prochain site. Nous avons tous mis nos lampes frontales pour continuer dans la nuit. Nous tombons dans un bois très épais où le sentier est inondé sur plusieurs mètres, la nuit est vraiment dense, on stresse de croiser un ours et on ne sait pas combien de temps on va mettre pour atteindre le camp. Dans l’espoir d’alléger l’ambiance, Jamie nous encourage avec des questions et des discussions animées. Malheureusement, aucun de nous n’était d’humeur à parler. Nous étions tous dans notre propre monde, voulant juste manger et dormir.

Enfin arrivé au refuge, nous installons nos tentes (la motivation n’est pas là). Personnellement, je suis frigorifié mais je suis Julien vers la rivière pour plonger nos jambes et aider à la récupération. L’eau était gelée, je grelotte et pour couronner le tout, je me fais pincer par une écrevisse, c’était la goutte d’eau.
Nous nous sommes tous blottis autour du feu et nous préparons le souper. Tous exténués mais si heureux d’être enfin au camp. Jamie nous surprend avec un dessert, un gâteau au fromage et au chocolat (déshydraté bien sûre mais tellement bon). C’était la meilleure chose que nous mangions depuis le début de l’aventure ! Vers minuit, nous rampons tous dans nos tentes et nous nous endormons instantanément.

Nous voilà à 54 KM pour cette deuxième journée ajoutée au 38 KM de la veille. Un total de 92 KM sur deux jours. Il est important de bien choisir les spots pour camper, près d’un point d’eau pour se laver, boire, cuisiner et repartir le lendemain avec le plein d’eau.
dernier jour – troisième jour – 21 août 2020
Nous nous levons pour la dernière journée, la nuit a été bien meilleure cette fois-ci, sûrement due à l’accumulation de la fatigue et une température plus haute. Un café et nous sommes prêts. Ah oui un café ! C’est le seul luxe que nous nous sommes permis de prendre, une mini machine expresso à pression. Un must, de 250g qui vaut le coup, pour tous les matins.

Les jambes sont lourdes, les épaules sont douloureuses mais nous avons 33 KM à faire. Les 4 premiers kilomètres sont vraiment l’fun, jusqu’à ce que nous arrivions sur une longue et large trail de 15 kilomètres avec de la roche partout. Une souffrance pour les pieds, qui commencent vraiment à brûler, littéralement. Chaque kilomètre devient de plus en plus long.

Pour info, 1 kilomètre nous prenait 20-25 minutes, je vous laisse faire le calcul pour les 33 km restants. Nous appelons cela le “sexy pace”, c’est à dire low pace quand nous avons besoin de souffler. Puis quand le sol est plus mou, comme dans les sous-bois, nous nous lâchons un peu plus.
À la fin de cette route interminable, nous traversons enfin une rivière pour faire notre break. Rien de tel qu’un bain pour refroidir nos pieds en feu et nos jambes puis pour une micro sieste. Nous nous sentons un peu mieux après ce break et il est temps de remettre nos chaussures pour repartir. Cependant les pieds sont toujours aussi douloureux mais il faut avancer.

Heureusement, il ne nous restait que du sous-bois jusqu’à la fameuse arche d’Harricana. Une fois sortie du sous-bois et rendu à 5 km de l’arrivée, nous pouvons voir un gros regain d’énergie de nous 4 ! Si bien que nous avons commencé à accélérer avec le sourire, tout le monde au même rythme jusqu’à la fin. Puis arrive la fameuse descente et la libération avec l’arche en bas de la station de ski. Nous la traversons ensemble, soudés, comme depuis le début. Les larmes nous montent aux yeux, nous réalisons ce que nous avons fait et la force unique de cette expérience vécue tous ensemble H24. Enfin on lâche nos sacs et avec beaucoup d’émotion on commence à célébrer ça. Ce “Harricana Trail Wolves Pack Adventure” aura été une des courses les plus incroyables que nous ayons réalisé. Les passages d’une montagne à une autre, avec des paysages et terrains tous très différents mais magnifiques, les difficultés… voici une aventure qui restera dans nos mémoires.

Pour nous c’était un rêve, une manière aussi de pousser nos limites, de sortir de notre zone de confort.

le wolf pack

C’est incroyable de voir comment l’humain réagit et sa manière de leader au bon moment. Les émotions sont mises à rude épreuve et chacun en bave lors de ce run, mais il y a toujours un relais qui se fait au niveau du lead et très naturellement. Je suis donc très reconnaissant envers Jamie, Michael et Julien pour leur leadership tout au long de l’aventure.

Maintenant nous savons à quoi s’attendre et nous sommes prêts pour le prochain périple en fastpack et pour faire plus long. C’est l’histoire de 4 étrangers qui se rejoignent pour une aventure unique et complètement nouvelle, pour finir amis. Une aventure qui nous aura marqué pour le reste de nos vies !

Fin

NOTRE LISTE FASTPACK
Pour la nuit + camp :
– une tente, pour deux. (Afin de maximiser le poids, avec Julien, nous n’avons pas pris les tubes (la structure)).
– Cordage (pour tendre la tente aux arbres)
– Un matelas gonflabe ultralight
– Une frontale (utile quand tu cours toujours et que la nuit tombe)
– Un couteau
– Une spork ou Cuillère-fourchette
– Des allumettes pour le feu et le réchaud (le feu prend du temps et de l’énergie à faire mais il est essentiel pour se réchauffer et sécher nos affaires, surtout que les températures tombent très vite en Août au Québec)
– Du savon (important de garder une bonne hygiène)
– Une brosse à dents (pas besoin de la couper en deux 😉 )

– Du papier toilettes
– Sac de poubelles x 2
– Vêtements chauds pour la nuit (pantalon, grosse chaussettes, polaire)
– Une powerbank + les câbles
– Une couverture de survie
– Bear spray
– mini machine coffee espresso

Pour la course :
– Un sac à dos
– Shorts x1
– Tee-shirts x2
– Paire de chaussettes x 3
– Sous-vêtement x2
– Une montre
– Une casquette
– Des sticks de marche
– Une caméra DJI
– Un cellulaire
– 3 gourdes pour l’eau dont une avec un filtre
– Une trousse de survie
– Des produits nutritifs (barres, pâtes de fruits… à prendre toutes les heures) + des
pastilles de sodium
– Un sac en tissus pour les déchets

Nourriture :
– De la nourriture sous-vide déshydraté
– 6 repas en tout, pour le matin et le soir

à propos de l'auteur.e
james guilbaud
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