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cours maman, cours

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Et juste comme ça, avec la naissance de ma fille, nos vies ont complètement changé. Malgré le fait que nous ne pouvions pas avoir de visites à l’hôpital vu les protocoles de santé COVID-19 en vigueur, malgré une césarienne d’urgence, malgré les rendez-vous prénataux changés en appels téléphoniques malaisés ou simplement annulés – malgré tout ça – elle était là. Comme tout enfant naissant, elle était parfaite.

Alors que les jours passaient et que la fatigue parentale s’installait, nous avons commencé à nous comprendre un peu mieux. La vie est devenue une succession plus ou moins ordonnée passant de nourrir la petite, à un peu de sommeil, nourrir encore, peut-être un peu de sommeil ensuite, et de changement de couches sporadiques. Lentement, la routine a commencé à prendre sa place. Après quelques semaines, j’ai fini par dire à mon partenaire, « j’aimerais vraiment sortir, aller prendre l’air frais, et peut-être courir. » Il m’a répondu, « allez, vas-y, amuse-toi! »

Avant ce moment, mon aventure avec la course à pied avait été tout sauf paisible. Lors de mon enfance, on m’avait clairement dit que la course serait extrêmement difficile pour moi parce que les os de mes cuisses étaient tournés vers l’intérieur. Heureusement, les docteurs se sont trompés – lors de ma jeunesse, j’ai participé à tous les sports auxquels j’avais accès, et j’ai couru mon premier 5k à l’âge de 10 ans. Après ça, j’ai continué à courir et courser tout au long de mon adolescence, de la vingtaine et au début de la trentaine. J’aimais l’idée que le corps humain soit autant résiliant et entrainable.
Après avoir terminé mes études supérieures en physiothérapie, je me suis qualifiée et j’ai coursé aux Championnats du monde d’Ironman 70.3 en Autriche. En 2018, j’ai coursé au marathon de Boston (cette année où il pleuvait – presque à l’horizontal – à boire debout). Je me suis aussi aventurée dans le monde de la course en sentier de longue distance, duquel je suis revenue avec un profond respect pour la nature, mon corps, et pour la vie elle-même. Ma relation avec la course a donc eu tout ce temps pour s’estomper, se renforcir, se réinventer et se transformer à plusieurs reprises.

Et là, je me retrouvais debout sur le pas de la porte, mes chaussures lacées, me demandant quoi faire.
devrais-je courir? pouvais-je courir? pourquoi ce sentiment de culpabilité à l’idée de laisser ma fille seule?
Mon dos était encore un peu mal en point, mais je n’en suis plus à un inconfort près. Je crois que ça ira? Est-ce que ma cicatrice a suffisamment guérie? On dirait, de l’extérieur. La docteure, sans vraiment me voir après avoir exécuté la césarienne, m’avait dit d’attendre de 6 à 8 semaines; ça faisait 9 semaines – mais quel changement magique s’opérait réellement à la huitième semaine pour me permettre de courir? Quel signe ou sentiment est-ce que je recherchais vraiment, de quel « feu vert » est-ce que j’avais besoin pour m’y remettre?

Même en tant que professionnelle de la santé moi-même, la réponse à cette question demeurait ambiguë. D’autant plus qu’émotionnellement, je sentais que je n’étais que l’ombre de la personne forte que j’étais auparavant. La course était ce qui me mettait en confiance, c’était « mon truc ». Une part très importante de mon identité. J’étais excité de m’y remettre, mais hésitante et craintive en même temps. Cette transition qui occupe ma vie présentement, qui me fait passer de l’état de non-mère à mère, s’est déroulée lentement mais surement lors des neuf dernières semaines; où est-ce que la course allait s’insérer dans tout ça?

Plus tard cette même semaine, j’ai contacté deux amies avec qui j’ai couru alors que je faisais de la compétition et qui sont aussi récemment devenues mères. Pendant une heure, sur Zoom, nous avons partagé nos expériences, celle de nos corps, ce corps sur lequel nous avons compté pour passer aux travers de toutes ces épreuves athlétiques, mais qui nous semblait maintenant si éloigné et détaché de notre être même. Nous avons parlé de comment les conseils judicieux ne le sont pas toujours, et que des trucs comme la dysfonction du plancher pelvien sont sensés « s’améliorer avec le temps ». De comment l’expérience de quelque chose de tabou (mais tellement commun) comme le prolapsus des organes ne peut mener qu’à la décision de vivre avec ou de considérer une chirurgie plutôt invasive. De comment une amie, marathonienne en 2h55, était « en paix avec le fait qu’elle ne pourrait potentiellement plus jamais courir » après un accouchement long et exigeant duquel elle se remet depuis plusieurs mois. Je compatissais profondément.
le martyr de la maternité était lourd de conséquences. on venait de lui enlever le loisir d’une activité qui lui était auparavant si chère, et le poids et l’importance fondamentale de la nouvelle vie qu’elle avait créée en prenait le pas.
Où étaient ses supports? Où est ce « village » dont les gens parlent si affectueusement, ce réseau qui aide à prendre soin de l’enfant et de la nouvelle mère? Pourquoi est-ce acceptable qu’une femme sacrifie quelque chose qui la rend aussi heureuse pour qu’on la considère comme accomplie? Je peux témoigner au premier ordre que les femmes peuvent faire des choses difficiles, voir des exploits surhumains. Mais nous avons toutes besoin de support. De conseils. D’aide.
Il y a beaucoup de nouvelles mères coureuses dans les médias qui semblent vraiment bien aller. Elles sont sorties de leur expérience d’accouchement en puissance, meilleures et même plus rapides qu’elles ne l’étaient auparavant. Mais où sont les histoires de ces femmes dont le corps et l’esprit font face à des défis plus ardus? Celles qui n’ont pas été en mesure à se remettre à pleine cadence dans le programme d’entrainement parce qu’elles ne le peuvent simplement pas? C’est beau d’inspirer, mais l’honnêteté aussi, ça l’est. Et une grande part de cette honnêteté, c’est de reconnaitre ce combat que plusieurs d’entre nous menons des suites de l’accouchement.

J’ai ensuite discuté avec Melissa Offner, nouvellement mère et coureuse aguerrie qui mène le club RUNDISTRIKT, à Vancouver nord. L’objectif de notre discussion était d’essayer de mieux comprendre et d’articuler ces difficultés avec lesquelles nous sommes aux prises, et ainsi de tenter de trouver des solutions, ce que nous pouvons faire en tant que communauté pour nous entraider.

Mel m’a confié qu’avant d’avoir sa fille, elle avait fait ses recherches pour trouver de l’information sur la course et la grossesse, et le retour à la course post-partum. Travaillant dans le monde des médias et du bien-être, elle a eu accès à une entraineuse lors de sa grossesse pour en apprendre plus sur les signes que son corps lui envoyait, indiquant qu’il était temps qu’elle arrête de courir.
bien qu’elle se soit sentie en confiance avant son accouchement, qu’elle croyait avoir tous les outils et le savoir nécessaire pour ensuite retourner à la course, tout a changé une fois sa fille née.
Après un long accouchement, Mel a été diagnostiqué – ou plutôt doublement mal diagnostiquée – autant par l’aide à la naissance que par l’entraineuse qu’elle a consultée plus tard. La sage-femme lui a confirmé que tout allait bien, mais l’entraineuse lui a dit que trois de ses organes avaient souffert de prolapsus. À ce moment, son entraineuse ne savait pas si elle serait en mesure de se remettre à la course. Mel a reçu d’un côté et de l’autre des informations contradictoires sur sa situation, et sur la sévérité de celle-ci. Cette confusion et les diagnostics contradictoires l’ont propulsé dans une spirale négative, et Mel s’est retrouvée à passer plusieurs heures en ligne à tenter de trouver de l’information à propos de coureuses qui avaient souffert de prolapsus, et sur les traitements et l’horizon qu’elle pouvait considérer avant de se remettre à courir.

Non seulement cette information était-elle limitée, mais elle a été particulièrement surprise par le peu d’options qui lui étaient disponibles.
elle était terrifiée et se sentait seule, sans amies et sans famille à proximité, sentant que personne ne pouvait vraiment comprendre l’effet dévastateur que l’arrêt de la course aurait sur elle.
Ce n’est qu’en consultant à nouveau sa première entraineuse, celle qui l’avait conseillée lors de sa grossesse, qu’elle a réellement vu la lueur au bout du tunnel. Non seulement cette dernière lui a donné le bon diagnostic, un prolapsus vaginal de stade 1, mais aussi, ensemble, elles ont pu établir un plan de retour progressif à la course. Son entraineuse lui a partagé de l’information inestimable et des exercices qui pourraient l’aider – comment, par exemple, l’allaitement affectait les tissus corporel et la réparation, certains tests qu’elle pouvait faire à la maison pour mesurer sa disposition à retourner à la course, mais aussi, des conseils sur des outils qu’elle pourrait utiliser comme un comprimé vaginal qu’elle a ensuite ajusté et utilisé plusieurs mois. Sans l’aide et le savoir de cette entraineuse, Mel vivrait encore dans la crainte aujourd’hui. Elle s’inquiète toujours dès qu’elle passe la porte pour aller courir parce qu’elle sait qu’elle n’est pas encore revenue à 100%, et elle n’est toujours pas certaine que sa pratique de la course va redevenir ce qu’elle était avant. Mais le progrès qu’elle a pu accomplir ces derniers mois l’a inspirée.

Mel est engagée à partager son histoire autant que possible avec autant de gens qu’elle le peut parce qu’elle sait ce que peut causer ce désespoir qu’elle a ressenti quand elle a appris que son aventure avec la course se terminait. Le prolapsus et d’autres troubles du plancher pelvien sont encore considérés comme tabous et un sujet incongru pour tellement de parents. Mais nous espérons toutes les deux que cet article et d’autres en son genre pourront redonner de l’espoir aux femmes aux prises avec ces défis, et leur faire réaliser qu’elles ne sont pas seules.
nouvelles mamans, nouveaux parents, je vous entends. je sais qu’il y a cet immense trou noir, cet immense vide qui existe pendant ce qui est probablement l’un des moments les plus difficiles de vos vies jusqu’à maintenant.
Quand la seule chose qui agissait comme constante de nos vies est soudainement remplacée par cette crainte étouffée, cette anxiété, cette tristesse et ce sentiment de deuil, nous devrions pouvoir trouver du support, de l’aide. La culture d’aujourd’hui a tendance à valoriser nos souffrances en mettant de jolis designs sur les couches pour adultes. En créant des memes comique à propos de la réalité beaucoup moins comique des fuites post-partum causées par quelque chose d’aussi anodin qu’un éternuement. Aucune nouvelle mère ne veut porter de couches pour adulte après avoir donné naissance. L’incontinence est pourtant un défi particulièrement embarrassant que nous n’avons pas le choix d’accepter. Ces faits de la vie ne sont pas matière à la blague, ou à être acceptés avec résignation, surtout lorsque des solutions existent.

S’il vous plait, sachez que vous n’êtes pas seules. Oui – votre enfant est important, mais vous aussi. La meilleure chose que vous pouvez faire pour votre enfant c’est de prendre vos émotions et votre bien-être au sérieux. Si la course est partie intégrante de ce bien-être, et bien elle ne devrait pas être négociable et ne devrait pas être délaissée. N’acceptez pas de mauvais conseils ou des affirmations vagues venant de personnes qui ne vous écoutent pas réellement. Réalisez que notre système de santé n’est pas fondé sur des nuances, mais plutôt sur une conception de la vie axée sur des naissances saines et sur la sauvegarde de la vie en situations de vieillesse ou d’urgence. Les zones grises par contre, c’est là où la majorité d’entre nous nous situons. Et ces zones grises sont là où les choses les plus belles et les plus merveilleuses se retrouvent.
au canada et aux états-unis, votre premier réflexe devrait être de consulter une physiothérapeute du plancher pelvien, particulièrement celles habituées à travailler avec des athlètes.
Dans plusieurs pays européens, ces thérapeutes sont déjà considérées comme une norme des soins post-partum. Malheureusement, en Amérique du Nord, il faut travailler un petit peu plus fort pour favoriser notre propre bien-être après l’accouchement. Ces thérapies sont généralement couvertes par les assurances médicales étendues des programmes canadiens et américains, et ne requièrent donc pas de prescription médicale. Ces thérapeutes sont spécifiquement entrainées pour évaluer et traiter les muscles pelviens internes. Bien que le tout puisse sembler intrusif, ces muscles sont souvent initialement hors de notre contrôle, mais nous pouvons apprendre à les utiliser avec des entrainements spécifiques.

Bien souvent, vos problèmes peuvent être traités et s’améliorer en seulement quelques visites. Ces thérapeutes devraient aussi vous écouter et vous aider avec vos défis spécifiques, et ça, c’est aussi important que leurs aptitudes pratiques. Soyez honnêtes et directes concernant vos objectifs. Les physiothérapeutes sont souvent des personnalités de type A qui aiment les objectifs clairs vers lesquels évoluer.

Ne soyez pas craintives à expliquer vos difficultés, vos symptômes et votre historique, même si ça vous gêne. Le plus d’informations vous pouvez donner, le mieux. Si vous avez consulté une thérapeute du plancher pelvien mais ne sentez pas qu’il y a une connexion, ou que la rencontre ne vous a pas aidé, alors passez à la suivante et trouvez quelqu’un avec qui vous êtes plus à l’aise. Ayez de la patience, et reconnaissez que ce processus prend du temps, mais ne poursuivez pas si vous ne voyez pas d’amélioration.
il est possible de nous redéfinir en tant que mères qui aiment courir. le choix n’a pas à être binaire.
Vous pouvez vous réinventer entièrement, même si la transformation vous mène parfois à vous sentir différente de corps et d’esprit. Parfois, il y a du travail de réadaptation à faire, ou encore d’autres efforts du genre de trouver de l’aide en garde d’enfant pour vous permettre de sortir quelques jours par semaine. Mais l’une des plus belles choses à propos de la course, c’est qu’elle ne change pas. Elle est toujours là, juste sur le pas de votre porte, attendant que vous renfiliez vos escarpins pour une danse, d’un pas lent ou rapide, une valse ou une gigue. L’apprentissage de nouveaux pas n’est jamais facile, mais avec un peu de persévérance, comme dans tout, vous verrez que la récompense s’inscrit dans la durée.
à propos de l'auteur.e
lauren roberts
lauren roberts est physiothérapeute et propriétaire de la clinique the running physio à toronto. elle est aussi nouvellement mère d’une jeune fille remplie d’énergie qui n’est pas encore arrivée au point de dormir 6 heures d’affilée. pour plus d’information, allez visiter therunningphysio.ca ou suivez-la sur instagram à @the_running_physio.
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