quand le monde particulièrement intense, pour ne pas dire malsain, de l’industrie de la restauration l’a rattrapé, jonathan metcalfe, un restaurateur de montréal, s’est mis à la course. Par la même occasion, il a mené sa communauté vers un futur plus prospère et surtout, plus sain.

mots x mike berard & jonathan metcalfe
photos x gophrette

La vie d’un travailleur de la restauration dans une destination culinaire comme Montréal a certainement ses attraits séduisants. Les pourboires, les soirées tardives, une vie hédonique au cœur d’une ville affichant une culture nocturne vibrante, tous des facteurs qui ajoutent à une profession qui peine sérieusement à différencier plaisir et fatigue. Au cœur du quartier St-Henri, nouvel épicentre culinaire de la ville, le Tuck Shop est un exemple de la culture nocturne de la ville, et son leader de facto, Jonathan Metcalfe, y a tout vu.

« J’ai commencé au Tuck Shop en 2010 comme commis-serveur » partage Metcalfe. « Après 3 ans, j’ai quitté pour commencer des études en droit », qu’il a par ailleurs quittées après trois sessions. « Je voulais travailler dans des restaurants », dit-il. « L’école n’était vraiment pas ma passion, et, depuis mon retour au restaurant en 2014, je m’y suis entièrement dédié. »

Plusieurs années plus tard, en tant que partenaire, administrateur et maitre d’hôtel au Tuck Shop, Metcalfe a réalisé que les nuits tardives et le mode de vie chaotique du monde culinaire avaient un prix à payer. « J’ai investi dans le restaurant il y a trois ans, et je suis à l’œuvre, sans arrêt, depuis », confie-t-il. « Le restaurant, c’est ma vie, cinq ou six jours et soirs par semaine. Ça a toujours été un peu le cliché de l’industrie de la restauration. »  Comme plusieurs dans l’industrie, Metcalfe devait accepter que le sacrifice en valait la peine.

« J’ai toujours été vraiment passionné, mais je ne prenais pas de temps pour moi-même » se rappelle-t-il. Malgré les 10,000 pas par jour affichés sur sa Garmin – tâche facile lors d’un service du soir occupé – il ne faisait pas d’exercice, et ne s’alimentait pas très bien. Pour ces longues soirées au restaurant, les premières choses à payer le prix étaient la liste d’épicerie et la cuisine à la maison. « Quand tes employés et toi finissez le travail à 1:00 du matin, la chose normale à faire était de sortir prendre quelques verres. Je n’étais pas en forme, et j’avais définitivement pris du poids. »

Et c’est là que quelque chose a changé. « Le vrai changement, c’était en 2019 » confie Metcalfe. « Nous avons fermé le restaurant pour trois semaines pour rénovations. Deux de mes partenaires étaient sur le point de devenir parents, alors ils m’ont un peu forcé à prendre des vacances pendant la fermeture. » Metcalfe a pris l’opportunité d’aller en voyage de ski à Fernie, en Colombie-Britannique. Il y est entré en collision avec un poteau de remontée mécanique et il s’est littéralement « éclaté le genou ». Avec un remplacement des PCL et LCL, et plusieurs autres blessures, il revenait à Montréal brisé, se sentant pire que jamais.

« Quand je suis passé en chirurgie, le chirurgien m’a dit ‘tu dois perdre du poids’ » dit-il. « ‘Ce sera mieux pour ton genou. Et aussi, tu sais, tu as 32 ans maintenant, tu n’es plus dans la vingtaine.’ Ça a été plutôt difficile, émotionnellement. Je n’étais vraiment pas à mon meilleur. »

Et c’est là qu’il a fait une volte-face.

« Je suis allé à un cours de spinning extérieur organisé par B.Cycle, à Montréal » dit-il. « Je suis tout de suite tombé en amour avec le sport. » Metcalfe s’est ensuite commis à y aller cinq fois par semaine. Les horaires flexibles du studio ont vraiment supporté sa transition hors de l’anxiété du travail de la restauration. « J’ai pu me le permettre justement parce que B.Cycle offrait des cours sur l’heure du midi. Ça se glissait aisément dans notre horaire, même si on était allé dormir à 2:00 du matin. »

Alors que Metcalfe reprenait la forme en pédalant – se mettant d’ailleurs éventuellement aussi à la course – il s’attendait évidemment à améliorer sa forme physique. Ce à quoi il ne s’attendait pas, par contre, c’était de devenir le catalyseur d’un changement de culture profond chez ses employés et amis qui eurent tôt fait de suivre son exemple. « La culture nocturne est vraiment contagieuse. Au début, on me taquinait bien, mais ça n’aura pris que quelques temps avant qu’on me rejoigne dans le processus. C’est une position vraiment inspirante à occuper » confie Metcalfe.

La majorité des employés du Tuck Shop courent maintenant ensemble, et les effets bénéfiques dépassent de loin le physique. « Leur confiance d’eux-mêmes dépasse l’imagination » dit Metcalfe. « L’endurance de tout le monde s’est vraiment améliorée. Dans l’industrie, on veut que chaque client, qu’il arrive à 17:00 ou 22:30, ait le même service hors pair, et l’entrainement extracurriculaire nous a tous aidé à atteindre cet objectif. On voit même l’effet corrélatif sur nos ventes, surtout avant la Covid-19, quand nous pédalions et courrions ensemble.

Et la suite? Une partie de l’équipe du Tuck Shop s’entraine pour un demi-Ironman non-officiel avec des collègues de l’industrie, des clients du restaurant et des instructeurs de B.Cycle. « Nous devions participer au Demi-Ironman du Maine, mais avec les annulations d’événements, nous avons décidé d’organiser notre propre événement à partir du chalet d’un ami. Nous y serons une douzaine en ‘compétition’ ». Après ça, Metcalfe ira courir son premier ultramarathon à Bromont, au Québec, sur la distance de 55 km avec son collègue, le chef Andrew Hochhalter du Cordova, Café et Bar à Cocktail, situé à quelques portes du Tuck Shop. Et l’élan persiste. Metcalfe voit un mouvement dans le quartier St-Henri. « Il y a un bar à vin sur la rue – le Bar Loïc – et les propriétaires s’entrainent depuis quelques temps au marathon, de sorte à ce que les employés et leur cercle d’amis, et la rue entière en fait, s’y sont mis. »

À travers les villes d’Amérique du Nord, une poignée de clubs de course visionnaires supportent l’industrie du service et de la restauration en organisant des sorties de course hors des heures traditionnelles du matin/fin de journée, qui sont généralement plus difficiles pour les employés de ces secteurs. Ce n’est déjà pas facile de motiver la personne moyenne à lacer ses chaussures pour sortir courir. Dans une industrie et un environnement où les décisions malsaines sont monnaie courante, des clubs de course comme celui de Metcalfe sont une alternative progressiste. Le résultat? Des gens plus heureux.

« C’est super d’en faire partie » dit Metcalfe. « Les gens peuvent se commettre à leur développement personnel par ce type d’activité physique. Et maintenant, c’est chose normale dans notre communauté. Je crois que notre culture s’améliore, et que tout ça a changé les règles du jeu pour nous tous, à plusieurs niveaux. »