mots par: anderson moquiuti & kelty campbell
images: nathan mcneil
supporté par wild earth australia, o’reilly’s rainforest retreat, et best life adventures

Les plans, ce n’est pas dans mes habitudes, et plusieurs de mes amis considèrent que c’est un cauchemar d’organiser quoi que ce soit avec moi, mais j’aime cette façon de faire. Je crois fortement que si les étoiles s’alignent, alors c’était destiné ainsi. Alors quand Brad Wilkie m’a demandé si ça me disait de participer à une course de 70km à travers le bush australien, supportée par la boutique de plein air où je travaille, Wild Earth (il faut savoir apprécier ces employeurs qui embarquent dans vos projets fous!), j’ai répondu d’un simple pourquoi pas!

Par ces temps surréels, il faut penser des aventures surréelles, et sans courses traditionnelles pour nous jalonner, on se doit d’alimenter notre créativité afin de rester connecté à ces raisons pour lesquelles nous courons. Cette aventure était le fruit de l’imagination de Brad qui avait identifié le « trajet » qui suivait approximativement la frontière entre le Queensland et le New South Wales. Le plan était de partir de la O’Reilly’s Rainforest et de suivre une série de points de ravitaillement où notre équipe de support pourrait nous approvisionner, jusqu’au Elephant Rock, à Currumbin. Du sommet de la montagne jusqu’à l’océan. Mais, comme c’est souvent le cas avec les plans, le chemin emprunté n’est pas toujours celui qui était prévu, et ça, c’est la beauté de la vie.

Six d’entre nous, tous pères de famille, décident d’embarquer dans cette aventure de course en sentier impromptue qui s’est avérée être l’une des expériences les plus unificatrices que j’aurais pu imaginer. La course aura été moins, justement, de la course qu’un véritable défi de navigation à travers la nature la plus sauvage. Le sentier parcouru ne faisait pas partie de ces chemins pittoresques empruntés par les touristes pour photographier de jolis koalas – nous étions constamment égratignés, attaqués par le bush qui nous submergeait, véritable testament du caractère sauvage du chemin que nous parcourions. L’une des sections du sentier était tellement technique (montées et descentes, traverses de cavernes) qu’elle nous aura pris 59 minutes pour compléter un seul kilomètre! Je ne serais pas surpris, d’ailleurs, que nous ayons été les premiers humains à entrer en contact avec cette partie reculée, isolée du monde. Un peu à la Jurassic Park, nous faisions notre possible pour ne pas marcher sur des serpents dangereux, mais les araignées et leurs toiles étaient inévitables. L’aventure n’aurait d’ailleurs pas été réellement australienne sans apercevoir au moins un python, qui, heureusement, vaquait à ses occupations en nous laissant passer en paix.

Fonctionnant sur deux heures de sommeil, nous avons manqué notre équipe de support au troisième point de ravitaillement, ce qui n’est pas surprenant considérant la quantité de détours que nous avons pris par erreur. Mais plutôt que de nous laisser abattre par la soif et la faim, nous avons alors décidé de vider nos sacs pour mettre en commun les gels et l’eau qu’il nous restait afin de nous les partager pour que chacun ait le nécessaire pour parcourir les 25km suivants. C’est à ce moment que nous avons cessé d’être des individus courant un ultra-marathon, devenant en fait une fraternité, une véritable bande de frères liés par cette épreuve. Ensemble, nous avons traversé cascades et cavernes, escaladé les hauteurs une par une, de sorte à ce que chaque membre de notre petite famille était intégral à notre passage de la ligne d’arrivée, après 18h en course.

J’ai toujours été une personne active, et j’ai été introduit à la course il y a environ une dizaine d’années. Avant cette histoire d’amour avec la course, j’étais particulièrement investi dans le surf. Mais un jour, après une sérieuse chute d’une vague, je me suis heurté le dos sur la berge, mais, attitude classique de surfer, j’ai tout simplement ignoré l’incident. Quand la douleur s’est intensifiée, j’ai consulté un spécialiste qui m’a confirmé que j’étais atteint du syndrome de Guillain-Barré. N’étant pas familier avec le diagnostic, le docteur m’expliquait que c’était un rare désordre du système immunitaire s’attaquant au système nerveux, et que la situation allait se détériorer jusqu’à ce que je ne puisse plus marcher. J’ai alors été envahi d’une gamme d’intenses émotions – je n’arrivais pas à concevoir ce qu’on venait de m’apprendre.

J’ai toujours considéré la vie en voyant « le verre à moitié plein », véritable perspective salvatrice lors de ces moments difficiles. Si les anges existent, j’ai eu la chance d’en voir la manifestation par mon physiothérapeute, véritable exemple de persistance, déterminé à me revoir un jour marcher. Après un an de thérapie intensive, j’ai pu mettre un pied devant l’autre et marcher sans assistance. La lumière pointait au bout du tunnel, et je me suis promis de remonter la pente vers ma pratique sportive passée. Je me suis engagé à une autre année de suivi physio-thérapeutique journalier à l’hôpital, histoire de continuer sur mon élan. C’est cette persévérance à me dépasser, autant mentalement que physiquement, qui m’a permis d’en arriver où j’en suis aujourd’hui.

Le sport aura eu un impact positif sur ma vie de plusieurs façons, et continu toujours, à ce jour, à m’inspirer. J’ai eu la chance de pouvoir redonner aux autres en les supportant et en les encourageant dans leurs propres défis; je crois d’ailleurs qu’il n’y a pas de plus grande joie que celle qui vient d’aider les autres à atteindre leurs objectifs.

L’une des citations qui oriente ma façon d’appréhender la vie est qu’il faut « écouter davantage en parlant moins. » L’apprentissage par l’autre est si important, et je suis immensément reconnaissant à la communauté de course à pied qui m’a appris que la grandeur de nos actes n’est atteinte que lorsque nous travaillons ensemble. Comme beaucoup de choses dans la vie, ce sont ces journées off de la course qui me permettent de me recentrer, et d’avoir foi dans l’avenir et dans les efforts que j’y mets.

Comme dans toute chose, il faut un village pour mener à bien ce type d’aventures. Je crois fermement dans la pratique journalière de la gratitude et de la reconnaissance, alors je me dois de remercier Jimmy Black, le propriétaire de Wild Earth et Chris Summerville qui ont accepté de supporter notre aventure un peu folle. À notre équipe, Brad Wilkie, Sam Weir, Kieron Douglas, Scotty Page, et Ben Southall – je n’aurais vraiment pas pu y arriver sans vous les gars! Et bien entendu, tous les remerciements à notre équipe de support, et l’homme derrière la lentille qui s’est assuré que tout serait documenté, pour le meilleur ou le pire, Nathan McNeil.

À tous ceux qui commencent leur aventure dans le monde de la course, mon conseil est de vraiment apprécier les hauts et les bas, d’être patient avec soi, sa progression, et de savoir, surtout, qu’il n’y a pas de raccourcis. Vivez chaque jour avec toute la gratitude et la reconnaissance du monde. Namaste.