Nous avons récemment pris quelques minutes pour discuter avec l’ultra-marathonien Serbe, Jovica Spajic, avant son départ sur l’Atacama Crossing, au Chili.

Hey Jovica? Tu en es où? De quoi a l’air ton calendrier, en termes de courses?

Je suis présentement en Serbie, affairé aux dernières préparations avant mon départ pour le Chili.

Lors des dernières années, on m’a un peu profilé comme un athlète qui aime bien courir dans les environnements les plus demandant de la planète. En fait, je choisi les courses où je peux mettre à profit les compétences que j’ai pu acquérir dans mon entrainement pour l’unité spéciale anti-terroriste – SAJ.

Ma prochaine course, la Atacama Crossing au Chili, c’est justement ça. Je pourrai expérimenter tout ce que Mère Nature peut possiblement nous envoyer, dans un environnement unique, voir épique. La chaleur du désert, la haute altitude, le sable, les vents puissants, j’aurai droit à tout lors de cette longue aventure.

Les athlètes doivent trouver une façon de survivre, en combattant les intempéries, la distance, le manque de sommeil, outre d’autres facteurs qui peuvent sérieusement affecter le classement final. L’Atacama Crossing représente une symbiose de tout ce qui rend l’ultra-marathon spécial. C’est à la fois magnifique et dangereux. Lors de ce chapitre, de cette aventure aux proportions épiques, on passe par des moments inoubliables, remplis d’émotions diverses, des hauts et des bas, des larmes, mais aussi des sourires. C’est absolument nécessaire d’avoir, au-delà d’une préparation physique exceptionnelle, une bonne préparation mentale, une implacable résistance au stress, et la capacité à bouger pour plusieurs jours sur un déficit calorique à des températures entre -7 et +37 degrés Celsius.

Je crois que nous sommes plusieurs à ne pas très bien connaitre la Serbie, et encore moins le monde de la course à pied là-bas. Pourrais-tu nous donner un aperçu de comment c’est de courir chez toi?

Je suis né à Priboj, Serbie, en 1987. J’ai grandi dans les étendues sauvages des montagnes serbes avec mes grands-parents. Étant enfant, j’écoutais souvent mon grand-père raconter des contes de fées jusqu’à tard dans la nuit. Nous habitions une petite maison de bois, loin, dans un petit village serbe. Nous entendions le hurlement des loups sortir des profondeurs de la forêt de chênes centenaires qui couronnait la montagne.

Mon grand-père m’a toujours encouragé à ne jamais laisser tombé, à toujours me pousser jusqu’à mes limites dans tout ce que je faisais. Jusqu’à aujourd’hui, ça me fait toujours réfléchir.

La course, et surtout la course en sentier, voit une hausse d’intérêt fulgurante en Serbie. Le monde est rempli de paysages majestueux, et la Serbie, s’en est plusieurs en un seul pays. Les montagnes serbes sont à peine connues, peu explorées, inutilisées et largement intouchables, mais remplies de beauté naturelle, de rareté, mais aussi de diversité, à sa propre façon. Avec des sommets culminants à 2000 mètres au-dessus du niveau de la mer, les opportunités pour la randonnée, le trek, le vélo de montagne, ou simplement pour apprécier la nature, y passer un temps libre, s’entrainer, explorer et partir à l’aventure, sont illimitées.

À moins que je ne me trompe, tu fais partie de l’unité spéciale anti-terroriste du Ministère de l’intérieur de la République de Serbie. Ce n’est pas rien! Tu peux nous en dire un peu plus sur comment ton entrainement militaire a façonné ton approche à l’ultra-marathon?

Je me suis entrainé toute ma vie. En rejoignant les forces spéciales, j’ai du mettre de côté ma vie urbaine et ma pratique des arts martiaux (Judo). La seule activité à laquelle je pouvais m’adonner, vraiment, c’était de courir dans les champs et les montagnes. La course en montagne donne une réelle impression de paix d’esprit. On développe une vraie relation avec la nature. On se sent libre.

En tant que membre des forces spéciales, les défis physiques et psychologiques extrêmes, autant à l’entrainement que dans diverses tâches, nous poussaient à constamment remettre en question nos limites, nos capacités, noter motivation, et force d’esprit. Dans le même ordre d’idées, en participant à certains des ultras les plus difficiles du monde, je me suis confronté à certains des milieux les plus hostiles au monde, des jungles les plus profondes aux plateaux sans fin. J’ai été brulé par le soleil, fouetté par le vent et ma foi en mes capacités aura été mise à l’épreuve par la pluie et la tempête. J’ai souffert d’hypothermie et de chocs thermiques, mais comme le phénix, je me suis toujours relevé de mes cendres, et j’ai continué, plus courageux, d’une vigueur renouvelée, vers des défis toujours plus gros, et plus difficiles.

Les forces spéciales, c’est comme ma deuxième famille. J’ai survécu à plusieurs situations dangereuses tout au long de mes 12 ans avec les SAJ. C’est stressant de servir son pays, mais ces expériences m’ont permises d’acquérir une grande force d’esprit. Nous mangeons ensemble, nous nous entrainons ensemble, et nous combattons ensemble. J’ai vécu tant de moments inspirants avec mes collègues, et ces moments me donnent la vision sur laquelle repose mon focus lors des périodes plus difficiles d’un ultra.

D’autant plus, les SAJ m’ont tellement appris, et ce savoir est vraiment utile lors des courses. La compréhension de la topographie, la survie en nature, savoir à quoi s’attendre en situation difficile. Je peux courir assez bien dans des environnements rigoureux, voir extrêmes, en montagne, sur la neige, sous la pluie et dans la boue. J’aime courir en nature, où il n’y a que soi, seul avec les éléments.

Qu’est-ce que tu aimes le plus dans un ultra?

Les ultras, et surtout les ultra-trails de longue distance, c’est un peu comme notre vie de tous les jours. Il y beaucoup de hauts et de bas, mais il faut toujours trouver la motivation et l’inspiration pour aller de l’avant, pour être déterminé et complètement dédié jusqu’à la ligne d’arrivée. Mon crédo a toujours été; « Aller lentement, ça évite les problèmes, et d’éviter les problèmes, c’est d’aller vite. » Le type de courses où je performe sont parmi les plus difficiles au monde, où la nature est cruelle et où les erreurs ne pardonnent pas. En ces moments, c’est toujours important de respecter Mère Nature et ses lois, et c’est encore plus important d’écouter son corps et ces petits signes qu’il nous envoi. Avec l’expérience, et le temps passer en nature, on devient toujours de plus en plus attentif et conscient de soi et de l’environnement, et de ce qu’on peut, et ne peut pas faire, selon les circonstances.

Il faut toujours se rappeler qu’après la pluie, la lueur et la chaleur du soleil reviennent toujours. C’est toujours réconfortant de penser à ces chauds rayons de soleil, et aux sourires des gens qui nous attendent après chaque expérience difficile. Je sais aussi que la seule chose qui peut vraiment nous régénérer, c’est l’amour et le réconfort de nos proches. Pour moi, le vrai bonheur, c’est la santé, la mienne et celle de mes proches, car c’est la fondation sur laquelle on bâtit tout dans la vie; nos plans, nos rêves, nos espoirs, nos idées, nos visions.

Les ultras, et autres projets de course d’extrême endurance sont, pour moi, une grande mosaïque de savoir et d’habiletés mises à profit. Ça éveille cet esprit créatif et aventureux, et ça fait rêver des endroits les plus distants, les plus reculés du monde. Lorsqu’on y est, c’est une explosion d’émotions, de joie pour le cœur et l’esprit. On devient ainsi protagoniste d’une histoire extraordinaire qui dépasse la course, qui est bien plus profonde. Ce sport nous permet de réaliser à quel point nous sommes vraiment spéciaux, en tant qu’individus.

Quelles courses ont été d’abord ta favorite, ensuite la plus difficile, et pourquoi?

Définitivement l’une des courses considérée comme l’une des plus éprouvantes de la planète, mais aussi l’une des plus sensationnelles; la La Ultra – The High.

D’abord, elle est longue, très longue. Les coureurs doivent parcourir l’incroyable distance de 333 kilomètres en moins de 72 heures, en traversant trois cols montagneux du Ladakh, un immense désert glacial de la chaine de l’Himalaya, en Inde. La course débute à la base de la chaine du Karakoram dans la vallée de la Nubra, et se dirige vers l’imposant fleuve Indus après la traversée du col de Khardung La (la plus haute route au monde, à 18,380 pieds). La ligne d’arrivée se trouve dans les plaines de Morey, une grande étendue de terre trônant à une élévation de 15,500 pieds marquant le début du plateau de Changtang.

Deuxièmement, si la distance n’est pas suffisante, les conditions environnementales brutales ajoutent à l’expérience. Entièrement dans un désert de haute altitude, les températures fluctuent entre +40°C et -12°C, et ce sur une période aussi courte que six heures. Vu l’altitude, les niveaux d’oxygène sont aussi réduits à environ 50% de ce que l’on respire au niveau de la mer.

L’idée même de se frotter à cette course semblait absurde, insensée, voir folle. C’est une course qui redéfinie les limites de l’endurance humaine, autant mentale que physique. J’ai d’ailleurs été assez chanceux pour l’emporter.

À certains moments, on se sentait en paix, heureux de pouvoir partager ce moment avec la nature de tout ses sens. Seul, avec ses pensées, dans cette immense étendue, on réalise rapidement le peu qu’il nous faut pour être heureux, loin des bruits de la ville, du stress, des foules. Mais encore, il y a des moments lors desquels la solitude est affligeante, on est découragé, et envahi par l’apathie. C’est alors que l’on va chercher la motivation au plus profond de soi pour continuer, et surmonter les crises auxquelles on fait face.

Cette nature nous rappelle que nous ne sommes que des êtres humains, peu importe notre préparation mentale et physique, et sans regard pour tout l’équipement de pointe qui nous supporte. La nature aura toujours le dernier mot.

Dans une course comme la La Ultra – The High, le simple fait de terminer est de loin une grande victoire, un acte héroïque. Et ça m’a certainement revivifié pour affronter des combats futurs, mais aussi les défis journaliers.

Sur une note plus légère ; quel est ton snack préféré lors d’un ultra ?

Des gâteaux de riz, que je fais moi-même.

C’est simple, on fait d’abord bouillir beaucoup de riz. Ensuite, dans un plat tupperware, on dépose une épaisseur de riz, une épaisseur de confiture, une épaisseur de beurre d’arachides, et une épaisseur de riz. On laisse au réfrigérateur pour une nuit, et on coupe en petits carrés le lendemain.

Les gâteaux de riz sont super faciles à manger, à digérer parce qu’ils se défont facilement, et sont remplis de glucides lents et d’eau. La confiture ajoute le sucre à effet rapide, et le beurre d’arachide la protéine et le gras.

C’est super d’avoir pu connecter avec toi Jovica. On te souhaite le meilleur succès pour les aventures à venir.

L’ultramarathonien Jovica Spajic habite Belgrade, en Serbie, mais on peut le retrouver partout où ses aventures l’emmèneront.