![\"\"](\"https:\/\/old.cieleathletics.com\/journal\/wp-content\/uploads\/sites\/12\/2020\/04\/together4-1024x576.jpg\")
<\/figure>\n\n\n\nLa pand\u00e9mie a transform\u00e9 l\u2019acte simple de courir en un pont vers un important espace milieu, un espace de rencontre \u2013 un territoire bien plus grand que la maison, mais aussi bien plus tangible que le monde. De nos abris, nous \u00e9mergeons, les yeux grands ouverts et heureux d\u2019\u00eatre en vie, dans un monde toujours vivant et verdissant. Ici, dans le nord des Rocheuses, la pand\u00e9mie nous a transport\u00e9 de la fin de l\u2019hiver au printemps. Les journ\u00e9es sont plus chaudes, plus ensoleill\u00e9es et plus longues. Les manteaux sont remplac\u00e9s par des coupe-vent, les tuques par des casquettes. Dehors, nous pouvons nous amuser sans craindre le froid, et nous sommes plusieurs \u00e0 nous \u00e9merveiller de la chaude \u00e9treinte du soleil sur notre peau. Je n\u2019ai jamais vu autant de gens parcourir le quartier, et encore moins autant de coureurs arpenter nos sentiers printaniers. \u00c0 chaque jour, la neige se rar\u00e9fie et les chemins s\u2019ouvrent. Dans une sorte d\u2019\u00e9mergence<\/em>.<\/p>\n\n\n\n C\u2019est un mouvement qui se porte parfois au m\u00e9lodrame du cin\u00e9ma apocalyptique : survivants, nous nous \u00e9levons des ruines hivernales, et vers la lumi\u00e8re printani\u00e8re. Mais, une certaine inqui\u00e9tude picote dans l\u2019air, comme une sorte de prudence g\u00e9n\u00e9ralis\u00e9e. Comment exercer cette prudence? Comment la communaut\u00e9 peut-elle le faire? On se fourvoie \u00e0 trouver des r\u00e9ponses en man\u0153uvrant sur les sentiers, en tentant tant bien que mal de maintenir une distance de 6 pieds avec les autres coureurs ou marcheurs. Une certaine nuisance, peut-\u00eatre, mais \u00e0 laquelle on finit par prendre un plaisir circonspect. En ralentissant, nous faisons de l\u2019espace pour tous. Nous reconnaissons que nous sommes responsables du sort de chacun. Avec nos corps m\u00eame, nous faisons sens de ce que la solidarit\u00e9 peut r\u00e9ellement signifier. En se d\u00e9pla\u00e7ant, celui qui est masqu\u00e9 offre un hochement de t\u00eate, parfois un signe de la main, alors que ce lui qui ne l\u2019est pas sourit ou salue. Nous sommes tous d\u00e9munis face \u00e0 la crise, et nous savons que le combat n\u2019est pas termin\u00e9, certes, mais aujourd\u2019hui, nous partageons le sentier dans un court moment \u00e9ph\u00e9m\u00e8re lors duquel nos corps parcourent l\u2019espace. Nous continuons, croisons plus de gens, avant de nous s\u00e9parer pour rentrer \u00e0 la maison.<\/p>\n\n\n\n Les nouvelles rapportent que le COVID-19 a chamboul\u00e9 \u2013 faute d\u2019autres verbes pour comprendre \u2013 notre monde, et ce de plusieurs fa\u00e7ons : des mesures auparavant ascendantes ont prises le plongeon, des plans imminents sont tomb\u00e9s \u00e0 l\u2019eau. Mais encore, lors de mes derni\u00e8res sorties de course, je me suis demand\u00e9 si, r\u00e9ellement, le monde a \u00e9t\u00e9 chamboul\u00e9 de la sorte. Tous isol\u00e9s dans nos foyers, en t\u00e9l\u00e9- (ou sans) travail, les restaurants ferm\u00e9s, les sorties de course de groupe annul\u00e9es, et les d\u00e9placements au magasin limit\u00e9s aux cas de n\u00e9cessit\u00e9, est-ce que d\u2019autres mots pourraient mieux exprimer cette suspension de la norme?<\/p>\n\n\n\n Cette question peut \u00eatre explor\u00e9e par les formes et les trajets d\u00e9cris par nos pieds. Avant que le COVID-19 ne ferme tous les commerces, je travaillais dans une station de ski et dans un caf\u00e9, en constante interaction avec des gens de tous les milieux, de partout dans le monde. Ma vie en g\u00e9n\u00e9ral m\u2019encourageait \u00e0 beaucoup de socialit\u00e9, et me permettait de constamment jouer dehors, entre la chasse \u00e0 la poudreuse et le retour lancinant des remont\u00e9es m\u00e9caniques, et la course \u00e9perdue sur les sentiers et le pas lourd au d\u00e9tour des trottoirs urbains. La plupart des jours, je quittais la maison et y revenais \u00e0 la noirceur, me d\u00e9pla\u00e7ant en boucles intercal\u00e9es de longueurs vari\u00e9es toute la journ\u00e9e. Ma vie \u00e9tait un gribouillage. Maintenant, comme tellement de gens dans le monde, je suis cal\u00e9 \u00e0 la maison en permanence, et ma journ\u00e9e ressemble beaucoup plus \u00e0 un gros point, avec une sortie de course qui s\u2019en d\u00e9cale. Le changement s\u2019est manifest\u00e9 moins comme un renversement, que comme un retour sur soi, une vie proprement enroul\u00e9e sur elle-m\u00eame.<\/p>\n\n\n\n \u00c0 chaque jour, ma complicit\u00e9 avec mes murs et le carrelage de mes fen\u00eatres s\u2019approfondie. Je sais quelle pi\u00e8ce re\u00e7oit quel type de lumi\u00e8re et quand. Je sais quel vent produit quelle brise \u00e0 quel endroit. J\u2019ai maintenant grignot\u00e9 toutes mes cachettes de snacks. Mon monde, mes boucles, ont foul\u00e9 pour cadrer cette nouvelle g\u00e9ographie, et la r\u00e9duction est bien palpable. Aucun meme<\/em>, message texte, ou r\u00e9union Zoom ne peut remplacer le monde qui s\u2019est ainsi cach\u00e9, mais une sortie de course journali\u00e8re peut \u00e0 tout le moins offrir une lueur sur le monde \u00e0 venir apr\u00e8s la crise. Cette sortie est un rappel que les journ\u00e9es, nos existences, ne seront pas toujours aussi \u00e9court\u00e9es et limit\u00e9es, et que derri\u00e8re la porte se trouve une communaut\u00e9 qui a ralenti, mais ne pouvait s\u2019arr\u00eater de bouger.<\/p>\n\n\n\n Dans un sens, on ne peut vraiment \u00eatre seul sur les sentiers. En consid\u00e9rant sa large \u00e9tendue temporelle, le sentier se manifeste par le passage r\u00e9p\u00e9t\u00e9. M\u00eame lors de la course matinale la plus solitaire, vous rencontrerez toujours les traces de ceux qui vous ont pr\u00e9c\u00e9d\u00e9, humains et bien plus. Abaissez le regard et notez les empreintes. Vous \u00eates entour\u00e9 d\u2019essences, de fant\u00f4mes amicaux. Les sentiers sont des t\u00e9moignages d\u2019une communaut\u00e9 qui partage une direction. Ils existent parce que d\u2019autres ont aussi choisi de partager le m\u00eame chemin que vous \u2013 pas apr\u00e8s pas. Nous avons des sentiers, car nous savons que nos parcours, nos voyages, sont plus faciles lorsque partag\u00e9s.<\/p>\n\n\n\n Je me souviens de \u00e7a \u00e0 chaque fois que je sors de ma tani\u00e8re. Quand les murs se rapprochent, que les nouvelles ont plus l\u2019apparence d\u2019une \u00e9p\u00e9e de Damocl\u00e8s suspendue au-dessus de nos t\u00eates, ce simple fait me donne l\u2019\u00e9nergie n\u00e9cessaire pour sortir courir. Je lace mes chaussures et ouvre la porte. Car juste derri\u00e8re, ma communaut\u00e9 est toujours l\u00e0, entrem\u00eal\u00e9e dans les sentiers. M\u00eame au c\u0153ur de la pand\u00e9mie, nous continuons de courir, ensemble.<\/p>\n\n\n\n North Bennett<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":" mots et images par: north bennett Apr\u00e8s deux mois de confinement, le monde est maintenant s\u00e9par\u00e9 en deux; d\u2019un c\u00f4t\u00e9,…<\/p>\n","protected":false},"author":5879,"featured_media":127398,"comment_status":"closed","ping_status":"closed","sticky":false,"template":"","format":"standard","meta":{"footnotes":""},"categories":[4121],"tags":[],"acf":[],"yoast_head":"\n![\"\"](\"https:\/\/old.cieleathletics.com\/journal\/wp-content\/uploads\/sites\/12\/2020\/04\/together3-1024x576.jpg\")
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