Ryan Chilibeck, membre de la FAM Ciele, vit littéralement par et pour la course à pied. Il est directeur de course pour la Canada Running Series (CRS) dans l’ouest du Canada et l’un des fondateurs du East Van Run Crew, tout en étant père de deux jeunes filles avec qui il partage sa passion pour la course. Histoire de lui donner une pause des points de presse et autres discussions sur les annulations de courses, nous nous sommes assis avec lui pour prendre des nouvelles, et parler plus généralement de course et de son rôle avec CRS.

Photos par: Jody Bailey, Fahim Kassan, et Ryan Chilibeck.

Quand t’es-tu joint à la CRS en tant que directeur de course pour l’ouest, et comment décrirais-tu ton expérience à ce poste jusqu’à maintenant?

Ryan: Je ne crois pas que beaucoup de gens aient la chance de pouvoir travailler dans une industrie qu’ils aiment profondément. J’ai l’opportunité de parler de course à pied à chaque jour et d’être payé pour le faire, tout en restant à l’écoute des coureurs pour tenter de transposer leurs idées et retours dans la réalité. J’apprends encore tellement de choses à chaque jour, surtout sur le monde des courses, et j’ai la chance d’évoluer avec une équipe hors pair qui donne vie à nos courses à travers le Canada à chaque année.

L’une des meilleures expériences qui m’est venue avec ce rôle est de voir mes amis passer le fil d’arrivée, pour me dire à quel point la course était incroyable. Tellement de temps et d’énergie vont dans la préparation d’une course, et de pouvoir partager ça avec ses proches, c’est vraiment une super expérience.

Quel événement (hors CRS) t’as toujours impressionné, et pourquoi?

Ryan: L’un des pires côtés d’être directeur de course, par contre, c’est que je tends à toujours trop analyser chaque course à laquelle je participe. C’était la même chose quand j’avais mon restaurant et que j’en visitais d’autres. Ça devient très difficile voir impossible d’éviter d’être critique ou un peu trop observateur.

J’ai eu l’opportunité de courir la Seawheeze ces deux dernières années, et j’ai été vraiment impressionné par leur approche à la course sur route. C’est très progressiste, et chaque élément est pensé selon l’expérience client. On y casse vraiment le moule de la course traditionnelle. Je crois qu’il y a un changement dans les plaques tectoniques, et je suis VRAIMENT excité de pouvoir collaborer avec leur équipe sur Seawheeze et la lululemon 10k series.

Un autre événement que j’ai adoré a été Take the Bridge Vancouver. Darcy et son équipe sont vraiment à point et leur flexibilité leur permet d’adapter leur modèle de courses « alley-cat » à différentes communautés dans le monde à travers leurs connexions avec les crews locaux et les personnes clés dans chaque ville. Ils débarquent, s’immergent complètement, créent un gros « hype », montent une course en un rien de temps et pouf… ils sont partis.

Sinon, pour l’ambiance générale, l’atmosphère d’équipe, et des vues magnifiques, je recommanderais la course à relai Banff-Jasper. C’est l’un de mes weekends favoris à chaque année.

Quel aspect du travail de directeur de course est le plus éprouvant? Sans nommer la covid!

Ryan: Au-delà de ne pas pouvoir courir mes propres courses, l’aspect le plus difficile est probablement qu’il faut toujours tenter de contrôler les facteurs incontrôlables qui risquent de mener à une mauvaise expérience de course. C’est fou à quel point la moindre petite chose peut parfois mener à de gros problèmes. Ça peut être des trucs aussi simple qu’une table mal placée, de la construction qui n’était pas prévue le matin de la course, ou un bénévole clé qui tombe malade. Chacun de ces points peut avoir un impact sur plusieurs décisions qu’il faut prendre lors des weekends de course. Pour bien s’en tirer, toute l’équipe de CRS, doit faire preuve de flexibilité et être apte à résoudre des problèmes, tout en demeurant capable de prendre des décisions rapidement.

Demandes-tu conseil à tes enfants ou à tes proches pour des courses potentielles? Si tu as une idée folle pour une course pour enfants, demandes-tu à tes filles si elles pensent que l’idée est cool?

Ryan: Ah, absolument. Je passe souvent des idées par ma femme pour avoir une perspective de non-coureuse… mais comme elle ne m’écoute pas vraiment lorsque je parle de course, je passe vite à d’autres conseillers. Il y a beaucoup de parents dans mon cercle de coureurs, alors je leur envoie souvent mes idées par texto pour tâter le terrain.

Mes enfants aiment la course, alors je leur demande souvent ce qui les fait vibrer … mais plus souvent qu’autrement, tout se joue sur l’offre de nourriture. La course en soit peut être okay, sans plus, tant qu’on leur sert des biscuits et un jus pour déjeuner, la journée sera une réussite.

En bout de ligne par contre, la ligne est très mince pour organiser une course pour enfants. On ne peut pas charger beaucoup et les enfants sont tous très différents en bas âge – capacité athlétique, niveau d’attention, indépendants ou pas – alors il faut considérer les courses non pas seulement de l’œil des parents, mais aussi de celui des jeunes de 3 ans à 12+. Est-ce que c’est cool, ou pas du tout? Pourquoi est-ce que mon père doit me tenir la main? Qui est cet étranger? Où est la salle de bain? Sérieux papa, lâche-moi la main. Est-ce que mon programme de course/marche sera suffisant pour cette course? Je me demande qui gagnera? J’espère que je ne perdrai pas. Où est-ce que j’avais vu ces biscuits déjà? Tout va pour le mieux, j’ai encore envie de pipi, et papa me tient toujours la main. C’est n’importe quoi. C’est PARFAIT!

Pour tous ces directeurs de course qui pensent à ajouter des courses pour enfants à leur calendrier, qu’est-ce qui est essentiel à considérer, selon toi?

Ryan: La sécurité est la clé du succès. En tant que père moi-même, je me rappelle que j’ai vraiment flippé quand j’ai perdu mes enfants de vue derrière un bâtiment, lors d’une course. Je n’aurais probablement pas été autant stressé si le trajet de la course avait été bien supervisé par des bénévoles, avait un trajet qui n’était pas sur une esplanade le long de l’océan, ou n’était pas parsemé d’entrées de stationnements à étages ou garages, etc. Comme tu peux voir, je pense automatiquement à toutes sortes de « scénarios catastrophes », alors quand nous organisons les nôtres, nous pensons littéralement à tout. Les parents nous confient ce qu’ils ont de plus cher, alors le moins que l’on puisse faire, c’est de voir nos courses pour enfant d’un œil parental, d’abord et avant tout. On garde le tout assez simple, on assure la sécurité, et on s’assure que les enfants s’amusent.

Quelle course tes filles préfèrent-elles?

Ryan: Elles aiment vraiment la Moustache Miler à Vancouver. Toute notre famille se rallie derrière eux à chaque année, et ils font vraiment du sacré bon travail. La distance du mile est assez difficile pour les enfants, mais on leur donne des trucs cools, de la nourriture et des activités pour les garder excités. Une fois que la course pour enfants est terminée, on les occupe avec un cours de danse, histoire de laisser les parents courir leur 5k. Après les épreuves, il y a un brunch (et de la bière!) pour que les enfants puissent célébrer alors que les parents s’enivrent allègrement. C’est vraiment sympa!

Je suis clairement biaisé, mais le 21k Banque Scotia de Montréal offre aussi une super expérience. Les enfants partent de la même ligne de départ que les adultes, et courent le long du circuit de F1. Le trajet est très sécuritaire et nous positionnons des bénévoles tout le long du circuit, surtout pour encourager les jeunes, mais aussi les garder en sécurité. Il y a une zone de « ramassage d’enfant » à la fin ou nous leur donnons plusieurs cadeaux et surprises.

Tu organises des courses pour le monde de la course à pied en général, mais aussi pour ton propre crew, le East Van RC. Comment vois-tu cet équilibre, entre des courses plus « sérieuses » à grand déploiement pour CRS et des événements plus petits, mais plus créatifs, avec EVRC?

Ryan: Oui, et l’équilibre n’est pas facile à atteindre. En tant que directeur de course, j’adore voir ces grands événements prendre forme et inspirer une communauté plus large. En tant que coureur, j’aime plutôt voir ces petites courses « underground » qui marquent vraiment la culture des run crews.

L’un de mes événements préférés que nous organisons avec le EVRC est le East Van Mile. C’est une course nocturne, sans trop d’absurdités, à travers les rues de Vancouver est. C’est très petit, pour tous, et ça se termine sur une petite fête dans des brasseries locales. Nous supportons toujours une organisation caritative locale à laquelle nous donnons généralement plus de 1000$.

J’ai toujours mon œil sur des événements comme Take the Bridge, Orchard Street, les relais Ekiden, le Speed Project… ou toute autre course unique en son genre qui me motive et m’inspire avec de nouveaux concepts à emmener dans l’industrie de la course sur route. J’écoute toujours ce que mes amis coureurs ont à rapporter de leur course du weekend. Je me sens réellement dans une position unique qui me permet d’être créatif, de considérer les contributions et les idées de tous, et de vraiment prendre acte sur ces nouvelles idées qui sont créées dans le monde des run crews. Ma boite courriel est toujours ouverte, et je suis toujours prêt à aller prendre une bière pour m’inspirer de ces nouvelles idées. L’espace de la course à pied aura toujours besoin de nouvelles voix!

Je crois que c’est la nature humaine de ne pas vouloir changer une bonne recette. Mais avec le calendrier de course bien balafré cette année, est-ce une opportunité pour apporter des changements à la stratégie, au calendrier, ou à la structure des courses de CRS?

Ryan: Nous considérons vraiment les bons côtés de cette pause impromptue de notre calendrier. Il y avait tellement de projets et de changements logistiques sur lesquels nous voulions travailler sans en avoir vraiment le temps. Maintenant, nous n’avons que ça, du temps.

Au-delà de la planification pour la prochaine saison de courses, nous avons pu réécrire nos manuels de formation, commencer un podcast, retravailler le focus de nos campagnes de marketing annuelles, parler de nouvelles courses, de vraiment nous pencher sur les questions de diversité qui sont un réel défi dans notre industrie, de refaire le branding de quelques courses, revoir certains trajets, de courir nos propres courses, de raffermir nos liens avec d’autres directeurs de course à travers l’Amérique du Nord, soit, en gros, de réapprendre à nous améliorer. La course à pied, et les courses spécifiquement seront bien différentes une fois le présent épisode de pandémie passé, alors nous demandons un petit peu de patience le temps que nous arrivions à tout repenser et à nous y faire.

Oui! Le podcast! Tu es devenu animateur. Comment décrirais-tu l’expérience jusqu’à maintenant?

Ryan: Ce n’est certainement pas un hobby facile. Ha. Quand j’ai réfléchi à développer une perspective unique sur l’industrie de la course, je ne voulais vraiment que parler à des gens intéressants des trucs qui les branchent et veulent explorer. Par contre, ce n’est pas si facile de trouver des sujets qui peuvent intéresser autant les non-coureurs, nouveaux coureurs et mordus de la course. La ligne est vraiment fine entre les discussions intéressantes, et la complète perte de temps.

En plus, c’est un moment assez difficile. Ce n’est vraiment pas évident de parler de l’impact de la pandémie sur l’industrie de la course à pied. Nous posons aussi des questions à savoir comment nous pouvons utiliser nos plateformes pour être plus inclusifs et amplifier la voix des personnes noires, racisées et autochtones tout en demeurant authentiques et sincères dans le processus. Et nous n’en sommes qu’à quatre épisodes!

Le plus grand apprentissage pour moi aura été de réaliser que nous pouvons couvrir certains sujets qui ne plaisent pas à tous, mais qu’en demeurant respectueux, sensibles et ouverts, nous pouvons tout de même vraiment créer quelque chose de spécial pour la communauté entière. Chaque épisode n’est pas un coup sûr, alors il faut s’assurer de continuer d’explorer et de raconter des histoires, et ça, il y en a beaucoup.